À la veille du Premier mai, le Silure s’est interrogé sur la place du travail dans nos luttes (et dans nos vies ?) à travers un cycle d’événements intitulé Journées de mai. Faut-il fêter le travail ? Pas si sûr, car le travail mutile, rend dingue et tue. Notre travail nourrit la rente des bourgeois qui récupèrent tout ce qu’ils peuvent du maigre salaire qu’ils nous laissent en nous taxant de leurs loyers et de leurs assurances maladie. Plutôt que comme une commémoration des luttes ouvrières, nous voudrions voir le Premier mai comme une occasion de s’approprier l’héritage de ces luttes de façon critique.

Le jeudi 28 avril, c’est le mouvement du salaire au travail ménager qui a été présenté à l’occasion de la soirée Les luttes autour du salaire au travail ménager : quelle histoire, quelles perspectives ?

Une revendication

 

Le mouvement du salaire au travail ménager (appelé tantôt mouvement « pour » ou « contre » le salaire ménager) est un courant féministe d’influence marxiste (ou opéraïste pour la branche italienne) issu du mouvement des femmes des années 1970. Dans la tentative généralisée de définir l’oppression des femmes propre aux courants féministes de cette époque, des féministes se concentrent sur les conditions socio-économiques de la vie des femmes, sur leur exploitation et sur la division sexuelle du travail dans la société industrielle.

C’est donc l’invisibilisation des activités domestiques, ménagères et de prise en charge des membres du foyer que ces militantes problématisent comme du travail, activités qui jusqu’alors étaient plutôt qualifiées « d’amour », et qui auraient relevé d’une propension « naturelle » des femmes à s’occuper d’autrui. Ce que ces militantes démontrent, c’est que cette vision ne permet pas de comprendre en quoi le système capitaliste repose sur ce travail, que l’on qualifie également de « travail de reproduction sociale », qui permet aux travailleurs salariés d’être productifs et à la force de travail d’être reproduite. La définition « extensive » de l’autrice féministe Louise Toupin du « travail ménager » est la suivante :

« (…) l’ensemble des activités par lesquelles la vie humaine est produite et reproduite. Plus exactement, il s’agit du travail qui consiste à fournir à la société des gens qui peuvent fonctionner jour après jour, soit produire, reproduire, renouveler et restaurer la force de travail des individus. On parle alors d’un travail matériel et immatériel, qui inclut « cette combinaison de services physiques, émotionnels et sexuels » (Federici 1977, p. 107) ». (Toupin 2016).

On appelle ça l’amour, s.d. Fonds du Mouvement de libération des femmes – Genève, Archives contestataires.

 

La revendication principale de ce mouvement est un salaire au travail ménager pour toutes les femmes, salaire permettant à la fois la visibilisation d’un travail jusque là réalisé gratuitement, mais également une autonomisation des femmes de la sphère familiale, un rejet de la structure familiale comme lieu de (re)production capitaliste et un refus de l’injonction à libérer les femmes en leur facilitant l’accès au marché du travail, revendication importante du mouvement féministe réformiste de cette époque.

À Genève, le collectif Insoumise, un groupe de militantes actives dès le début des années 1970, s’intéresse à ces questions en rencontrant et traduisant des militantes italiennes pionnières du mouvement, comme par exemple Mariarosa Dalla Costa et Silvia Federici. Les Insoumises ont lutté pendant de nombreuses années à Genève, au sein du Mouvement de libération des femmes, et ont été à l’origine de nombreuses actions et luttes directement inspirées du mouvement du salaire au travail ménager.

Collectif L’Insoumise, Le foyer de l’insurrection. Textes sur le salaire pour le travail ménager, Carouge : MLF, 1977.

 

Une brochure

Le 28 avril, le Silure a organisé une soirée autour du mouvement du salaire au travail ménager à Genève, dans une perspective de présenter ce mouvement (grâce au travail d’Alexia Bonelli) et de discuter sur les perspectives de lutte ouvertes par cette revendication.

Coll., Salaire au travail ménager, Genève : Le Silure, 2022. Télécharger la brochure : https://renverse.co/IMG/pdf/travail_menager-4.pdf

À cette occasion, une brochure a été produite, rassemblant des extraits de textes et des sources conservées aux Archives contestataires dans le fonds du Mouvement de libération des femmes de Genève, et dans les fonds de Alda de Giorgi et de Viviane Gonik, deux militantes du collectif Insoumises.

Le premier texte est le texte d’introduction du livre Le Foyer de l’insurrection publié en 1977 par le collectif L’Insoumise [1]. Le deuxième texte est un extrait du livre Le salaire au travail ménager de Louise Toupin [2] qui présente les Insoumises, leurs activités militantes et leur « reprise » des revendications du salaire au travail ménager. Le troisième extrait expose les aspects révolutionnaires des actions des Insoumises et provient de La stratégie du salaire au travail ménager selon le Mouvement de libération des femmes de Genève, un travail universitaire d’Alexia Bonelli [3].

Prochains événements

Dans la continuité de ces réflexions sur le travail dans une perspective féministe, le Silure et la librairie la Dispersion reçoivent Jeanne Neton pour une présentation de son livre Logique du genre co-écrit avec Maya Gonzales tout juste paru aux éditions Sans Soleil.

 

 

Maya Gonzales & Jeanne Neton, Logique du genre, Genève, Marseille : Sans Soleil, 2022.

Le jeudi 23 juin à 19h à la librairie la Dispersion, présentation du livre par Jeanne Neton et de la maison d’édition Sans Soleil.

Le vendredi 24 juin au Silure, lecture et discussion collective autour de Logique du genre. 17h ouverture des portes et lecture d’un extrait, 18h30 présentation et discussion avec Jeanne Neton.

Plus d’infos à suivre et la brochure à venir chercher au Silure tous les vendredis de 17h à 20h.