Grève des loyers – le FAQ

Grève des loyers – le FAQ

Les questions-réponses qui suivent s’adressent aux locataires de leurs logements qui sont affecté.e.x.s par la crise liée au Coronavirus et veulent s’organiser pour réduire voir supprimer leur loyer.

Elles ne remplacent les conseils juridiques individuels que nous vous invitons à recueillir si vous souhaitez vous lancer dans un rapport de force de ce type qui présente de nombreux risques juridiques

Qu’est-ce qu’une grève des loyers?

La grève des loyers est une action politique au travers de laquelle des locataires décident de ne plus verser les loyers mensuels à leur bailleur (propriétaire ou régie).

Pourquoi devrais-je participer à cette grève des loyers?

La grève des loyers est un moyen de pression qui accompagne plusieurs revendications :

* le gel des loyers en temps de crise par les bailleurs publics et privés,
* un moratoire (délai accordé) du Conseil d’État sur les expulsions,
* l’occupation des lieux laissés vacants si besoin par réquisition par l’État.

La grève des loyers est avant tout un acte de solidarité envers celleux qui n’auront pas les moyens de les verser et qui pourront voir leur bail résilié si ces revendications n’aboutissent pas.

Comme rapport de force face aux propriétaires, elle sera d’autant plus efficace si elle est suivie par de nombreux.se.x.s locataires.

Quels sont les risques encourus lors d’une grève des loyers ?

Les locataires s’exposent à une résiliation de bail à 30 jours après échéance du délai de paiement du loyer. Elle comporte donc des risques. Ces risques peuvent être limités de plusieurs manières sur lesquelles nous revenons plus bas.

Si elle n’est pas légale, elle est cependant légitime : les propriétaires ont durant plus de 20 ans profité des conditions économiques pour faire payer aux locataires de manière abusive des loyers trop élevés. De nombreux.euse.x.s locataires vont être pris.e.x.s à la gorge et c’est au propriétaires d’assumer les coûts de la crise.

Existe-t-il des moyens de réduire le risque individuel lié à une grève des loyers ?

Actuellement, la loi est entièrement en faveur des propriétaires. De la même manière qu’un.e patron.ne.x peut licencier sans raison un.e travailleur.euse.x, un.e propriétaire peut résilier un bail en suivant le préavis du contrat de bail, ou à 30 jours en cas de défaut de paiement. La situation financière du locataire n’est pas prise en compte par la loi.
C’est au travers du rapport de force que peut créer une grève collective des loyers que nous pourront espérer faire évoluer la situation. C’est aussi par ce dernier que, si des expulsions devaient être ordonnées nous pourrons nous y opposer.
Il est par ailleurs important de connaitre ses droits et les étapes menant à une résiliation définitive d’un bail. On saura ainsi jusqu’où on est prêt.e.x.s à aller et on pourra décider en fonction du rapport de force établi.
Le rapport de force pourra pousser certains propriétaires à négocier.

Quand est-ce qu’un loyer est dû?

Les loyers sont en principe exigibles chaque mois et par avance. Ainsi, le loyer du mois de mai doit être payé avant le 30 avril. Certains contrats de bail peuvent prévoir d’autres échéances et des bailleurs tolèrent parfois un paiement jusqu’au 10 du mois en cours (dans notre exemple, le loyer du mois de mai doit être payé avant le 10.05.2020).

Le moindre franc de retard sur le loyer à l’échéance – qui comprend les frais accessoires tels que chauffage/eau chaude – entraine la demeure (ou le retard) du locataire.

Si je paie en retard (demeure du locataire) de quels moyens mon propriétaire/ma régie dispose-t-il/elle pour faire pression sur moi?

Selon la loi, mon bailleur peut, de manière cumulative:

* résilier mon contrat de bail en respectant les étapes mentionnées ci-après.
* me mettre aux poursuites pour les sommes dues avec des intérêts de retard

Bien que ce ne soit pas prévu par la loi, on peut également imaginer qu’un bailleur prenne d’autres mesures de rétorsion par exemple en refusant de prolonger votre bail à sa prochaine échéance, notamment si vous avez un contrat de durée déterminée.

Quelles sont les étapes pour résilier un bail?

Si je ne paye pas mon loyer dans les temps, le bailleur doit me fixer un délai par écrit pour effectuer le paiement et me signifier qu’à défaut de paiement dans le délai, le contrat sera résilié.

Le délai doit être de minimum 30 jours pour les locaux d’habitation. Si je ne paie pas dans le délai, le bailleur peut résilier le contrat de bail avec effet immédiat. Dans le cas de logement ou de locaux commerciaux, le bail ne prendra fin qu’à l’échéance d’un nouveau délai de 30 jours pour la fin d’un mois.

Concrètement, dès que je suis en retard, ne serait-ce que d’un franc, ma régie peut m’envoyer un courrier recommandé qui m’indique le montant dû et la menace de résilier mon bail dans un délai de 30 jours si je ne paie pas.

Le délai commence à courir dès que je retire le recommandé à la Poste mais au plus tard au 7ème jour dès la notification de l’avis dans ma boite aux lettres.

EXEMPLE:

ETAPE 1: Si je dois payer mon loyer de mai le 30 du mois d’avril, que je ne paie pas, la régie m’envoie un courrier avec un délai de paiement de 30 jours, donc pour le 30 mai. (mise en demeure). Je reçois l’avis de retrait de lettre recommandée le 10 mai. Je vais la chercher à la Poste le 15 mai et je prends alors connaissance de la mise en demeure. J’ai à partir de ce moment-là jusqu’au 14 juin 2020 pour payer l’intégralité de la somme réclamée. L’argent doit avoir été reçu sur le compte de la régie à cette date.

ETAPE 2 : Si je n’ai toujours pas payé le 14 juin 2020, la régie peut m’envoyer un avis de résiliation. Elle m’enverra à nouveau celui-ci par courrier recommandé. Cette fois, la résiliation est réputée reçue dès le lendemain de la réception de l’avis de retrait de lettre recommandée dans ma boite aux lettres.
Dans notre exemple, la régie m’enverra un courrier de résiliation le 15 juin, dont je receverai l’avis de retrait le 16 juin dans ma boite aux lettres. Dès le 17 juin 2020, on considère que j’ai reçu l’avis de résiliation. Comme le délai de congé est de 30 jours pour la fin d’un mois, mon contrat prendra définitivement fin le 31 juillet 2020.

ETAPE 3: Dès le 1er août 2020, la régie peut saisir le Tribunal des baux et loyers d’une requête en évacuation. Cette procédure prend normalement entre 3 et 6 mois à l’issue de laquelle un huissier se présentera chez moi avec la police pour m’expulser de force si je n’ai pas quitté par moi-même le logement.

IL EST IMPORTANT DE COMPRENDRE QU’A PARTIR DE L’ETAPE 2, IL N’Y A LEGALEMENT PLUS DE POSSIBILITE D’EMPÊCHER UNE EXPULSION, sauf rare vice de forme ou un changement d’avis du bailleur. Mais vous serez à la merci de ce dernier. Il est possible que le temps d’exécution de l’expulsion soit rallongé en raison de la crise en cours, mais pour le moment, les autorités n’ont pris aucune mesure pour les empêcher.

Le bailleur ne va-t-il pas d’abord se servir sur la garantie de loyer?

Non. La garantie de loyer est bloquée tant que vous ne vous mettez pas d’accord pour la libérer en faveur du bailleur ou que ce dernier intente des actions légales.

Le bailleur n’acceptera en principe pas de libérer la garantie tant que dure le bail car ce n’est pas dans son intérêt. Il préfèrera résilier le bail et vous expulser au plus vite. Une fois cela fait, il se servira sur la garantie pour compenser ses pertes éventuelles.

Peut-on contester une résiliation de bail ?

Théoriquement oui. Il faut pour cela saisir la Commission de conciliation en matière de baux et loyers en renvoyant ce formulaire signé par tous les locataires titulaires du bail.

Le formulaire doit impérativement être renvoyé à la Comission dans un délai de 30 jours dès la réception de la résilation (Cf. Etape 2).

Outre quelques cas rares de vices de formes, une résiliation de bail ne peut être annulée que si elle est « abusive ». Le non-paiement du loyer est un motif légitime pour résilier le bail et on ne peut compter sur le fait que ce soit considéré comme un « abus », même en temps de crise.

On aura des arguments juridiques seulement si on a préparé le terrain au préalable, notamment en lien avec des demandes qu’on aurait faites à la régie.

L’Etat n’a-t-il pas pris des mesures en faveur des locataires qui nous protègent contre les résiliations en ce moment?

NON, ou alors très peu.

Le Conseil fédéral a d’une part rallongé le délai de mise en demeure de 30 à 90 jours pour payer son loyer lorsqu’on est en retard de paiement. Mais il faut pouvoir prouver que ce retard résulte « des mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus ». Par là, il faut entendre principalement les fermetures d’établissements commerciaux.

Il reste cependant possible, en tant que locataire de son logement, d’écrire à son bailleur et de lui expliquer que l’on a du mal à payer en raison des mesures prises. On peut espérer ainsi obtenir un délai de 90 jours. Cela étant, si on reçoit tout de même une mise en demeure impartissant un délai de 30 jours, il faut partir du principe que le bail pourrait être résilié valablement à cette échéance.

Le Gouvernement genevois a d’autre part suspendu l’exécution des expulsions locatatives jusqu’au 31 mai pour le moment. Il s’agit d’un simple sursis. En principe, dès juin, les expulsions reprendront.

Puis-je trouver des aides pour payer mon loyer ?

Oui, l’aide sociale reste ouverte pour les personnes disposant d’un droit de séjour. Des organismes charitables types Fondations peuvent aussi entrer en matière dans des cas particuliers. Contactez les organismes de soutien juridiques pour plus d’infos.

Ces solutions peuvent être nécessaires pour certaine.e.x.s, mais sont malheureusement individualistes et ne remettent pas en cause le système pour le meilleur. Elles dépendent soit de l’État – et donc des impôts, soit de la philantropie des possédants qui sont responsables de notre condition.

Quelle différence entre ne pas payer mon loyer et retenir mon loyer sur un compte bloqué?

Il ne faut pas confondre paiement sur un compte bloqué d’une part et consignation du loyer lorsqu’il y a un défaut dans l’appartement d’autre part.

Payer son loyer à un autre compte bancaire, même si celui-ci est « bloqué » ne sert à rien juridiquement dans notre cas de figure. Vous serez quand même mis.e.x en demeure et le bailleur peut tout de même résilier le contrat de manière licite. Cela permet en revanche d’être sûr.e.x de pouvoir rembourser les loyers en retard si on décide d’arrêter la grève et peut-être de pousser un bailleur à négocier en lui faisant miroiter qu’il n’a pas intérêt à résilier les baux s’il veut récupérer cet argent.

Il faut cependant se rappeler que les bailleurs ont généralement déjà à leur disposition une garantie de 3 mois de loyer qui sert à éponger un défaut de paiement et que nos moyens de pression économiques sont faibles.

Qu’est-ce qu’un défaut de la chose louée ?

Il y a défaut de la chose louée lorqu’elle est entravée dans son usage prévu par le contrat. Par exemple, parce qu’il apparaît en cours de bail dans l’appartement des infiltrations d’eau ou des moisissures, panne d’ascenseur etc.

Un défaut de la chose louée donne droit au locataire de réclamer une réduction de loyer et la réparation du défaut aux frais du bailleur. C’est durant ce bras de fer qu’on peut consigner légalement son loyer.

Qu’est-ce que la consignation de loyer pour défaut de la chose louée?

Lorque l’on se plaint d’un défaut dans l’appartement qui est apparu en cours de bail (infiltration d’eau, moisissures, panne d’ascenseur par exemple), on a le droit de demander au bailleur de réparer ce défaut à ses frais. Si le bailleur ne fait pas ce qui lui incombe, on peut lui fixer un délai dit « raisonnable » par écrit. A l’échéance de ce délai, on peut s’adresser à l’État pour ouvrir un compte spécial auprès du pouvoir judiciaire en remplissant un formulaire disponible à cette adresse.

Dès que l’État a ouvert le compte, on doit payer l’intégralité de son loyer sur ce compte mais on doit impérativement déposer une action en justice visant à réparer le défaut. La justice tranchera pour savoir si le défaut doit être réparé et aux frais de qui. Durant la procédure, si les loyers sont intégralement payés sur le compte consigné, le bail ne peut être résilié pour défaut de paiement.

Cette procédure ne permet donc pas de faire une grève des loyers. Elle a d’ailleurs été pensée pour empêcher les locataires d’agir par eux/elles-mêmes.

Un défaut de la chose louée donne-t-il droit à une réduction de loyer ?

Oui, on a le droit à une réduction de loyer fixée en pourcentage du montant du loyer tant que celui-ci n’est pas réparé. Plus le défaut est considéré comme entravant l’usage normal de la chose louée et plus ce pourcentage sera élevé.

Puis-je « autoréduire » mon loyer si j’invoque un défaut de la chose louée?

Théoriquement oui mais c’est très risqué de le faire car seule la justice décide du montant de la réduction. Si la justice décide que la réduction due est moins importante que l’autoréduction, alors on se trouve en demeure et le bail peut être résilié pour ce motif.

Il faut comprendre que le système de la consignation de loyer a précisément été pensé pour empêcher les locataires de procéder à des autoréductions.

Cela étant, si on procède à une autoréduction et que notre bailleur résilie notre contrat, cela peut nous donner un argument pour contester la résiliation dans les 30 jours.

Est-ce que je peux invoquer un défaut de la chose louée en raison de la crise du Coronavirus et prétendre à une réduction de loyer ?

Cette question n’a jamais été tranchée par les tribunaux ainsi aucune réponse certaine ne peut être donnée.

L’ASLOCA a publié un avis de droit où elle défend qu’un locataire de local commercial qui ne peut plus faire usage de l’activité prévue en raison des mesures du Conseil fédéral, a le droit à une réduction de loyer car il s’agit d’un défaut.
Cet avis de droit ne vise pas les locataires de logement et il semble difficile de pouvoir invoquer une entrave à l’usage de son logement en se basant sur les mesures du Conseil fédéral.

N’existe-t-il pas d’autres moyens juridiques pour demander une réduction de loyer en raison de la crise du Coronavirus?

Selon l’avis de droit de l’ASLOCA, la crise induite par le Coronavirus est un cas qui peut justifier une demande d’adaptation du contrat par le juge. Il s’agit d’un droit issu de la jurisprudence où il a été admis qu’un contrat pouvait être adapté en raison de circonstances exceptionnelles.

Ce droit pourrait s’appliquer également aux locataires de leur logement. Il s’agit a priori du seul moyen juridique pour requérir une réduction de loyer fondée sur la crise pour les locataires d’un bail d’habitation.

Il faut pouvoir démontrer qu’un grave déséquilibre est survenu entre les parties au contrat. Les locataires doivent écrire au plus vite à leurs bailleurs et alléguer de manière crédible qu’illexs ne peuvent plus payer leur loyer en raison des mesures prises par les autorités en lien avec la crise du Coronavirus.

Il faut demander à son bailleur (le plus souvent à travers sa régie) une réduction de loyer et exiger une prise de position dans un délai rapide, afin de ne pas se faire prendre par les délais comminatoires des étapes de résiliation de bail.

Pour cela, on vous conseille de vous insprier de notre lettre type.

Si le bailleur n’entre pas en matière ou accorde une réduction insuffisante, il faut saisir la Commission de conciliation en matière des baux et loyers à l’aide de ce formulaire.

En passant par cette procédure, on se donne éventuellement des arguments pour contester une résiliation de bail pour défaut de paiement. Mais on ne peut absolument pas être sûr.e.x.s d’obtenir gain de cause.

Est-ce qu’on peut en profiter pour demander une réduction de loyer sur un autre motif que la crise liée au Coronavirus ?

Oui!

Cette crise peut être une opportunité d’invoquer notamment un autre défaut, par exemple si l’immeuble a des problèmes de salubrité et d’exiger collectivement dans son immeuble une réduction de loyer.

Par ailleurs les taux hypothécaires baissent depuis de nombreuses années. En principe, nos loyers devraient être adaptés en fonction mais ce n’est presque jamais le cas. Cette crise est l’occasion de réquérir une baisse (qui ne sera effective qu’à la prochaine échéance de votre contrat. On peut suivre la procédure proposée par l’ASLOCA.

Si j’ai d’autres questions juridiques, à qui puis-je m’adresser ?

La Permanence Juridique du Silure reçoit le samedi 10h30-12h30.

Face à cette situation juridique défavorable, comment-faire ?

On l’aura compris, le régime légal en vigueur n’est pas favorable à une grève de loyers. Il faut être conscient.e.x des risques.

Cela étant, au-delà du droit, il peut être possible de poser un rapport de force avec son bailleur, notamment si vous arrivez à mobiliser en nombre ou face à un bailleur social qui pourra se montrer plus sensible.

Les bailleurs ont beaucoup de moyens de droit à leur disposition mais il faut se rappeler qu’ils n’ont jamais l’obligation de les utiliser. Rien n’oblige un bailleur à résilier un bail, entamer des poursuites etc. à part leur cupidité ou la cupidité de leurs propres créanciers bien sûr…

Dois-je annoncer à l’avance à ma régie/proprio?

Oui, ça parait préférable d’entrer au plus vite en dialogue avec son bailleur.

Il est conseillé d’écrire et d’alléguer en premier lieu que vous avez des problèmes de paiement en raison de la crise liée au Coronavirus et de demander une réduction de loyer en conséquence.

Vous pouvez vous inspirer de notre lettre type.

Qu’est-ce que je peux mettre en œuvre pour rendre cette grève collective au niveau de mon immeuble, voir de mon quartier?

À cette adresse, vous trouverez une affiche qui reprend une version raccourcie de ce FAQ ainsi que les principales revendications. Nous vous encourageons à l’imprimer et à l’afficher dans votre immeuble. Comme il n’est actuellement pas possible de vous réunir avec vos voisin.e.s pour en discuter, vous pouvez également sonder leur envie de se joindre à cette action en leur proposant d’ajouter leur nom et leur adresse mail sur une feuille annexe.

Si vous voulez organiser une discussion en direct, vous pouvez très facilement leur donner rendez-vous virtuellement sur une plate-forme de ce type.

Nous vous encourageons également à afficher votre soutien à la grève des loyers par des banderoles à vos balcons, et en affichant ces affiches près des commerces qui restent ouverts. Enfin, transmettez l’information à vos contacts, partagez les pages de la grève des loyers sur les réseaux sociaux:

Une page facebook et le groupe qui va avec.

Une page instagram.

Et un groupe d’information pour suivre l’organisation du mouvement et vous y impliquer.

Je suis membre d’une coopérative d’habitation. Celle-ci ne fait pas normalement pas de profits grâce aux loyers encaissés. La grève des loyers reste-t-elle légitime?

Nous vous encourageons à faire pression sur les coopératives auxquelles vous payer un loyer. Elles sont très souvent elle-même locatrices à l’État ou aux communes des terrains sur lesquels sont construits leurs bâtiments. Il leur appartient de demander le gel de ces loyers, afin que la pression de la crise ne retombe pas sur les locataires. L’annonce à votre coopérative de la suspension du paiement des loyers est un excellent moyen afin de la pousser à agir dans ce sens.

C’est la même idée qui nous a conduit à exiger que les bailleurs publics montrent l’exemple en gelant immédiatement les loyers.

Je suis sous-locataire de mon logement. Comment faire pour ne pas mettre en danger le locataire direct ?

En tant que sous-locataire, on a un contrat de bail uniquement avec le locataire principal. Si on arrête de payer son loyer au locataire principal, ce dernier doit toujours payer auprès du bailleur principal.

Si le contrat de bail principal est résilié, le contrat de sous-location tombe automatiquement par un effet domino.

Il faut donc impérativement s’organiser avec le locataire principal.

Dans le cas où une procédure juridique est en cours pour s’opposer à une rupture de bail abusive, quelles peuvent être les solutions pour s’engager dans une grève de loyers sans donner d’argument décisif au bailleur pour justifier la rupture?

Le fait d’être déjà en procédure de contestation de résiliation ne change rien.

En cas de défaut de paiement de loyer, le bail pourra être résilié en parallèle de la procédure en cours pour ce motif et justifier une expulsion pour ce motif. C’est justement pour que les locataires ne puissent plus subir ce type de procédure de la part des propriétaires et régies que nous exigeons un moratoire de 5 ans minimum sur les expulsions.

Je veux commencer une grève des loyers, quel est le premier pas ?

Après avoir sondé vos voisin.e.x.s afin de rendre votre action collective, nous vous encourageons à envoyer en recommandé cette lettre type à votre bailleur, ou à vous en inspirer.

Comment savoir que je ne suis pas seul.e.x à mener une grève des loyers?

D’abord en favorisant les liens avec vos voisin.e.x.s et en menant une action collective. Nous tenterons de notre côté de mettre régulièrement à jour la liste des signataires des revendications ainsi que toute information sur l’évolution de la situation.

J’aimerais participer à la grève des loyers et signer les revendications collectivement ou individuellment. À qui dois-je m’adresser?

Adresse E-mail de contact:
grevedesconfineexs-geneve@riseup.net
grevedesloyers-geneve@protonmail.ch

Website:
https://greveloyers.ch/

Permanence juridique:
https://www.silure-ge.net/activites-fixes-du-silure/permanence-juridique-de-soutien/

Page facebook:
https://www.facebook.com/grevedesconfines/ et le groupe qui va avec: https://www.facebook.com/groups/211466043498475/

Page instagram:
https://www.instagram.com/greve_des_confine.e.x.s/

Coronavirus et résistances – suivi en continu : 15 avril  – 30 avril 2020

Coronavirus et résistances – suivi en continu : 15 avril – 30 avril 2020

Ce suivi live a pour but de recenser toutes les informations relatives aux luttes sociales en période d’état d’urgence sanitaire car celles-ci se perdent dans les énormes flux d’informations qui sont actuellement disponibles sur le web. La seconde partie revient sur la deuxième moitié du mois d’avril.

Jeudi 30 avril

20h: Le SSP a tenu une conférence de presse à Fribourg pour dénoncer les pressions qui s’intensifient sur le personnel soignant des EMS, le fait que les personnes vulnérables se voient contraintes de retourner travailler et un licenciement abusif. Les doléances sont multiples: « l’impossibilité de maintenir les distances de sécurité (…,) le manque persistant de matériel de protection (…) une aide-soignante d’un EMS fribourgeois a été licenciée avec effet immédiat à la mi-avril pour avoir envoyé, dans un groupe WhatsApp, un message de solidarité à des collègues, personnes à risques et au bénéfice d’une attestation médicale, à qui l’employeur demandait de retourner travailler. » Le syndicat rappelle comment le Conseil fédéral est passé de l’injonction pour ces personnes à être « strictement confiné-e-s à domicile, ensuite renvoyé-e-s au travail et enfin autorisé-e-s, au moyen d’un certificat médical, à retourner à domicile avec un droit au salaire. Cette valse-hésitation a donné aux patrons une marge de manœuvre importante. Il faut rappeler que l’ordonnance fédérale n’a pas clairement précisé que les personnes vulnérables étaient protégées contre le licenciement. » Le syndicat souligne qu’« en Suisse comme ailleurs, les trois quarts des emplois les plus exposés au coronavirus sont occupés par des femmes. C’est le cas des EMS, où les femmes occupent la quasi-totalité des postes dans les soins, l’aide et les services aux pensionnaires. Les EMS comptent une majorité d’emplois peu qualifiés, notamment les aides-soignantes : les qualités requises sont considérées comme « naturellement » féminines et donc sont peu valorisées : les salaires sont bas, les conditions de travail difficiles et les relations de travail sont davantage précaires que dans d’autres secteurs de la santé. » Fuck patriarchy and capitalism ! (Source : SSP, 12h45 RTS 1)

16h: La Tribune de Genève consacre un article au travail des ambulancier.e.s que le Covid-19 a passablement modifié. Ils portent maintenant un équipement comprenant une double paire de gants, des lunettes de protection, une combinaison intégrale « dans laquelle il cuit à l’étouffée à 40°C » et un masque « qui décourage le sourire apaisant ». « «La tenue de protection est hyperanxiogène, regrette [un ambulancier]. Un patient m’a dit qu’en me voyant arriver, il voyait la mort qui venait le chercher… C’est difficile d’être distant et déshumanisé alors que notre métier compte justement une grande part d’humain.» […] «On doit parfois laisser des membres de la famille sur le trottoir, certains en pleurs, confie le directeur adjoint. Ils ne savent pas s’ils reverront leur proche vivant. C’est inconcevable et terrible, pour eux comme pour nous.» » Plus que la charge de travail, selon la Tribune de Genève, c’est la « charge psychologique » qui a été difficile : « Contrôler sans cesse chaque geste pour éviter d’infecter ou de l’être, accepter qu’une prise en charge anodine puisse cacher un Covid asymptomatique… «Au début, certains collègues étaient terrorisés […] Ils craignaient d’être infectés et de contaminer leurs proches.» Il faut encore supporter, parfois, la stigmatisation. «La voisine d’une ambulancière avait peur qu’elle soit infectée et lui a demandé de ne plus sortir sur son balcon…» » Une profession au front qui a pris cher puisqu’ »un tiers des ambulanciers du service genevois ACE a été infecté. Toutes les autres compagnies l’ont aussi été ». (Source : Tribune de Genève)

15h30: Toujours sur les livreurs, la réouverture des deux McDrive de Genève le 27 avril a conduit à des énormes files d’attentes de véhicules au Lignon et à Meyrin. Les seuls « piétons » qui avaient le droit de commander étaient les livreurs travaillant pour les plateformes UberEats, EatCH ou Smood. « Et devant les enseignes, les livreurs, qui sont payés pour la plupart à la livraison, étaient dans la même attente et montraient des signes d’impatience. Obligés de multiplier le plus rapidement possible des commandes, afin de gagner de l’argent, ils se sont retrouvés coincés sur place. «Au Lignon, c’était le cauchemar! J’ai dû patienter 1h30 pour un menu», raconte l’un d’eux. Pour certains livreurs, la course est rapidement devenue peu ou plus rentable… » L’entreprise Smood annonce qu’elle donnera 30 ou 40frs de compensation à ses livreurs, et un Mars ? (source: Tribune de Genève)

14h30: S’appuyant sur un sondage national réalisé auprès de plus de 1000 livreurs, Unia Genève dénonce les conditions de travail des livreurs, un « secteur stratégique pour l’économie mais qui maltraite ses acteurs ». Le syndicat réclame une prime de risque et plus de contrôle des entreprises. Le sondage donne des informations concernant les mesures de protection, les 2m de distances requis ne sont pas respectées pour près de la moitié d’entre eux ; pas assez de gel hydroalcoolique pour un tiers d’entre eux. On apprend encore que pour un tiers de livreurs sondés, « leur employeur n’a pas informé les personnes à risque de leur droit de rester à la maison ni ne garantit que les confinés soient payés à 100% pendant la durée de leur auto-isolement, même s’ils ont été en contact avec des personnes infectées ». Un livreur signale : «Même avec un certificat médical, on ne peut pas rester à la maison: c’est ce que mon chef m’a dit.», tandis qu’un autre révèle : «Comme l’ordonnance sur la durée du travail a été suspendue, nous travaillons quinze heures par jour.» D’après le conseiller d’Etat Mauro Poggia, « seule la plateforme Uber Eats pose problème dans sa légalité, les autres ont reconnu un contrat de travail garantissant leurs droits aux travailleurs ». Le droit de se taire? (Source : Le Courrier)

14h: A l’occasion du 1er mai, RiseAgainstBorders réitère un appel à manifester à Zurich, cette fois-ci en petit groupe de 5 personnes maximum : « Safety for all refugees! ». Et d’expliquer que rien n’a changé pour les personnes en exil, ni en Suisse, ni dans les camps en Grèce, ni en mer Méditerranée. #LeaveNoOneBehind
D’autre part, une vingtaine de collectifs exigent la fermeture du bunker (abri PCi souterrain) d’Urdorf (ZH) dans lequel plus de 30 personnes en exil sont contraintes de loger dans des conditions indignes et risquées. Ce logement collectif, forçant une promiscuité non sans conséquences, ne permet pas de respecter les distances sociales requises (voir 13 avril). Les signataires mettent en avant que loger ces personnes en chambre individuelle est nécessaire pour leur santé et celle de la communauté et qu’une telle mesure est possible immédiatement, par exemple dans des hôtels vacants. Fermeture de tous les bunkers pour personnes en exil en Suisse ! (source: Page FB RiseAgainstBorders)

13h: Banderole à Genève. « Du fric pour l’hôpital public, non aux millions pour les avions ! ». (source: Page FB Feu au lac)

11h: Unia Genève publie un troisième portrait de travailleuses d’EMS (les EPADH en suisse), celui d’une infirmière. Ces institutions, plus de cinquante dans le canton, note le syndicat, « ont la particularité d’être fortement subventionnés par l’État, ce qui devrait les rendre plus attentives aux conditions des résident-e-s et des employé-e-s. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas ». Dans une lettre publié dans Le Temps il y a un mois, cette infirmière écrivait : « Le monde des EMS est un milieu oublié des médias, malheureusement nous avons l’habitude de cela. Je dis souvent à mes proches que je travaille avec une population marginale; moins on la voit, mieux on se porte. […] Nous travaillons avec la population la plus à risque, avec le taux de décès le plus élevé de la pandémie, mais personne ne se préoccupe réellement d’eux, de nous. » Aujourd’hui, elle précise que la question : «Pourquoi sommes-nous les oubliés de cette crise? » qui concluait sa lettre, elle la posait « au système, à ceux qui gèrent globalement la crise, à Mauro Poggia, responsable du Département de la santé » parce que la crise du Covid19 en Ems est « fortement sous-estimée » ». A ce jour, cette infirmière n’a reçu aucune réponse. Concernant le milieu extra hospitalier, elle insiste : « Nous sommes les parents pauvres du secteur santé. On a été mis de côté ! » (Source : Unia Genève, Le Temps)

Mercredi 29 avril

19h: À Genève, action du syndicat Unia pour protester contre l’interdiction d’accès au chantier du méga-projet Quartet dans le quartier populaire des Charmilles. Des représailles après leur opposition à la réouverture des chantiers. Là encore, c’est un chantier de l’entreprise HRS qui est concerné, c’est-à-dire l’entreprise où il y avait eu une grève spontanée dans un autre grand chantier près de l’aéroport début mars. Ce n’est pas un cas isolé, d’autres entreprises générales ont interdit aux syndicats d’accéder aux chantiers. « Ouverture des chantiers et protection de la santé: les syndicats exigent l’accès aux travailleurs » (Source: Acta, Unia Genève, Tribune de Genève)

18h: Affiche pour la grève des loyers à Genève.

Mardi 28 avril

19h30: Dans Le Matin dimanche, Rudolf Strahm (PSS) s’épanche sur la gestion de la crise sanitaire. L’entretien est intéressant dans la mesure où sont nommés clairement quelques faits : la tarification à l’acte des soins médicaux empêche la prévention ; les différents lobbys économiques déterminent les décisions du Conseil fédéral ; le secrétariat d’État à l’économie est un nid de néolibéraux. Ce qui étonne, c’est l’origine de ces confidences. Strahm, en effet, a introduit le néolibéralisme au Parti socialiste dont il fut secrétare général de 1978 à 1985. Il s’est engagé pour la libéralisation du marché de l’électricité. Selon l’anecdote, à la question de la différence entre la gauche et la droite, Strahm répondait que la gauche voulait vraiment le marché partout, tandis que la droite faisait semblant. Remords sénile, opportunisme ? On continuera d’ignorer les motifs de ces confidences puisque le journaliste n’a pas jugé utile de poser la question. (source: Canal Telegram Détaché de presse)

18h30: Rattrapage zurichois avec cette action banderole le 5 avril dernier dans un spot prisé par les touristes. « Hinter den Alpen liegen miserable Flüchtlingslager. Menschen jetzt in Schweiz aufnehmen #LeaveNoOneBehind » [Derrière les Alpes se trouvent des camps de réfugiés misérables. Rappatrions ces gens en Suisse dès maintenant ! #LeaveNoOneBehind] (source: Page FB Solidarität gegen Corona)

18h15: Banderoles et collages le week-end dernier à Zurich. « Den Spiess umdrehen: statt Sozialpartnerschaft, Klassenkampf » [Renversons les rôles : au lieu du partenariat social, la lutte de classes], « […] Krieg dem Krieg ! » [Guerre à la guerre – pas arrivé à lire le reste], « Gewalt zu Hause, Gewalt vom Staat. Patriarchale Strukturen zerschlagen ! » [La violence à la maison, la violence de l’État. Détruisons les structures patriarcales !] (source: Aufbau)

18h: La Grève des femmes / Grève féministe de Zurich publie son appel pour un 1er mai féministe et appelle à des collages décentralisés les 29 et 30 avril : « Que vous soyez employée.x de maison, nounou, infirmière, caissière, thérapeute sociale, éducatrice de jour, parente, grands-parente, aide-soignante dans un foyer – dans le monde entier, le travail de soins, dont 95 % est effectué par des femmes, est considéré comme allant de soi dans le système patriarcal et capitaliste et ne mérite pas d’être mentionné. Dans le monde entier, les femmes qui, en raison de leur situation économique, n’ont pas d’autre choix que de prendre un emploi de domestique ou de soignante, par exemple, sont exploitées sans vergogne et souvent de manière criminelle ! Avec le Covid-19, il est apparu une fois de plus à quel point le travail sous-payé et non rémunéré est vital dans le secteur des soins […]. Stop à l’exploitation ! À la prochaine grève féministe le 14 juin 2021. » (source: Page FB Frauenstreik Kollektiv Zürich, non traduit)

13h: Le processus de déconfinement amenant davantage de personnes dans les rues associé à l’injonction à maintenir la distanciation sociale est l’occasion pour l’association Pro Vélo de revendiquer une politique active en matière de vélo. L’association invite à suivre l’exemple de Berlin, Bogota, New York et Oakland qui à l’occasion de la crise du Covid-19 ont effectué des aménagements pour les cyclistes. Le vice-président de Pro Vélo Genève relève que « Cette crise nous permet de constater la place pléthorique que prennent les voitures et des possibilités d’aménagement dont nous disposons quand elles ne circulent pas.» Un exemple d’une possibilité, bienvenue dans une ville qui fait la part belle aux automobilistes, mais qu’il s’agit encore de faire advenir (Source : Le Courrier, RTS)

12h: Un mélange des genres pernicieux : Dans les cantons de Genève et Neuchâtel, le traçage systématique des individus ayant eu un contact rapproché avec une personne malade du Covid-19 reprend. A Neuchâtel, nous apprend la RTS, « des policiers feront notamment partie de l’équipe qui va opérer ce traçage, [mais] il ne s’agit pas d’une opération de police ». Est-ce qu’on manque à ce point-là de personnel de santé qu’il fasse faire un travail de santé publique à des policiers ? Par d’alternatives ? Dans un entretien avec Mediapart « Le Nigéria est mieux préparé que nous aux épidémies », G. Lachenal dit à ce propos : « Avec une certaine ironie, on constate que des pays comme le Cameroun ou le Nigeria sont mieux préparés car ils disposent de ce qu’on appelle des agents de santé communautaire (Community Health Workers) qui sont des gens peu formés – ce ne sont pas des infirmiers – mais qui sont des sortes d’aides-soignants de santé publique, qui s’occupent des campagnes de vaccination, mais aussi de surveillance épidémiologique, et qui s’avèrent très utiles pour faire le suivi des cas, et des contacts des personnes infectées. C’est un savoir social que ne peut faire la police ou un smartphone. » (Source : RTS, Mediapart)

Lundi 27 avril

13h: Dans Le Courrier du jour, un article suit une maraude de la Brigade de solidarité populaire Genève. « Le mouvement actif depuis le début du confinement fait écho à une initiative milanaise. Identifiant de plus en plus de laissés-pour-compte dans la politique sanitaire étatique, les mouvements antifascistes locaux ont décidé d’apporter leur aide concrète sur le terrain ». Des plats chauds sont distribués dans la rue, et une deuxième distribution a lieu au temple des Pâquis pour les travailleuses du sexe du quartier. « Pour elles, pas question d’attendre sur le trottoir l’arrivée des maraudeurs, sous peine de s’exposer à une amende pour racolage. « «En les invitant à venir ici, on les incite à faire quelques pas dehors. Et les paquets sont un moyen de leur redonner un peu de dignité», ajoute Francesca Olivetti [de Swiss Gambia Solidarity]. » (source: Le Courrier)

11h30: Dans le Matin dimanche, un article sur la situation des travailleuses du sexe et le soutien apporté par l’association Fleur de Pavé. « Beaucoup continuent de travailler au noir. «On choisit entre notre survie et notre santé», résume Marianne*. Une survie cher payée, raconte cette prostituée exerçant dans le canton de Vaud. Connaissant leur situation précaire, de nombreux clients se déchaînent sur ces femmes en difficulté ». Des clients les frappent car « « ils savent qu’on n’a pas le droit de travailler » […] L’amende peut être salée. Le 3 avril, une Thaïlandaise a été condamnée à 60 jours-amende à 100 francs avec sursis, une amende de 1500 francs et des frais de justice de 500 francs pour avoir continué son activité à Rheineck (SG). » Le patriarcat n’est pas confiné. (source: Matin dimanche)

11h15: Dans la WOZ de jeudi dernier, un édito assez combatif du journaliste Kasper Surber qui critique l’approche de la crise des médias dominants: dans le Tages Anzeiger, on demande à la présidente d’Unia si elle est « devenue folle », la NZZ craint le « socialisme épidémique » si l’Etat intervient trop dans l’économie et le milliardaire nationaliste Christoph Blocher se paie des pages dans la presse appelant au redémarrage au nom de la lutte « contre la pauvreté de masse ». Il remarque que la gauche suisse est assez atone malgré la grève des femmes et le mouvement pour le climat l’an dernier. Surber défend l’idée (comme un certain Lordon) « qu’entre l’utopie sociale et le projet concret, le niveau intermédiaire est souvent oublié : celui des institutions publiques ». Aussi à signaler, un bon article sur la façon dont les très riches suisses vivent le confinement dans leur bulle et un article sceptique sur les projets de « cyber-manif » pour le 1er mai. (source: Wochenzeitung, non traduit)

11h: Quelques bribes tirées de la lettre d’information d’Antira(point)org du 20 avril:
– le médecin Markus Fritzsche qui s’occupe des requérants d’asile depuis 30 ans s’est fait retirer son mandat pour le camp fédéral d’Adiswil (ZH) après avoir été trop critique de l’absence de protection des demandeurs d’asile. L’Etat lance même des procédures disciplinaires contre lui pour tenter de le marginaliser.
– centres de rétention: comme nous l’avions dit aussi dans ce Suivi, les deux centres de rétention de Genève ont été vidés. Antira reprend un article du média Republik où on apprend que c’est aussi le cas pour celui de Bässlergut à Bâle-Ville et que 14 personnes ont été libérées à Berne. « A Soleure, la détention administrative d’un homme vient d’être prolongée, et à Zurich, la prison d’expulsion de l’aéroport est pleine aux deux tiers. » dit Republik. La situation est aussi difficile à la prison de Pöschwies (ex-Regensdorf) dans le canton de Zurich.
– des retours sur le rassemblement de solidarité avec les réfugiés à Berne et de la tentative de manif en voiture à Zurich, respectivement les 16 et 18 avril (source: Antira(point)org, non traduit)

10h: Dans le Temps de jeudi dernier, un article sur les milliers de sans-papiers qui n’ont plus de revenu à cause de la pandémie. « La fragilité de leur situation les pousse à accepter des licenciements ou suspensions de contrat sans aucune revendication. L’angoisse d’un contrôle de police les conduit à faire leurs courses la boule au ventre. La peur d’entacher leur dossier d’octroi ou de renouvellement de permis de séjour les incite à ne pas demander d’aide financière. Et la crainte d’une possible dénonciation les contraint à ne pas se faire soigner ». Dans le canton de Vaud, un appel à été lancé le 15 avril dernier par le CSP, d’autres associations caritatives et les partis de gauche (pourtant majoritaires au gouvernement vaudois…). A Genève, une prise de position du même type est en préparation. Le CCSI précise qu’il ne veut pas que l’aide étatique renforce la répression: « Le fonds de solidarité devra s’appuyer sur les organisations [caritatives] pour pouvoir distribuer cette aide, car ces personnes n’iront pas s’adresser à l’Etat ». (Source: Le Temps)

9h: L’association Caravane de solidarité a organisé une nouvelle distribution de biens de première nécessité samedi dernier à Genève. Une vidéo sur FB a fait beaucoup réagir, elle suit une queue sur « plusieurs kilomètres » (en filmant les jambes). « La misère invisible qu’on veut garder invisible », commente une internaute. D’après un bénévole, 600 colis ont été distribués en 1h30 « et malgré ça, plus de 1’000 personnes attendaient encore [pour qui] rien n’a pu être distribué ». Un reportage à Lausanne dans le 19:30 de samedi dernier montre aussi une situation alarmante. « Les structures d’entraide croulent sous les demandes. Au delà d’une aide financière, les gens viennent surtout chercher à manger ». Le directeur de Caritas dit ne pas être surpris et pointe des causes structurelles. « Dans le paquet ficelé des 20 milliards la Confédération, les pauvres n’existent pas » (source: Groupe FB Coronavirus entraide Genève et régions, Page FB Caravane de Solidarité – Genève, 19:30 RTS 1)

Dimanche 26 avril

16h: Deux autres actions banderoles respectivement à Bâle et à Berne avec des vidéos à l’appui. « Corona tötet, Grenzen auch » [Le Corona tue, les frontières aussi] et « Solidarität mit VerkäuferInnen Eure Gesundheit vor ihrem Profit. Unterstutzen / organisieren! CEO Migros: 20k/monat Verkäuferin: 4k » [Solidarité avec les vendeu-euses. Votre santé avant leurs profits. Organisons le soutien! CEO Migros: 20k par mois Caissière: 4k] (source: Page FB Revolutionärer Aufbau Basel, Chaîne Youtube Revolutionäre Jugend Gruppe)

15h30: Des possédants et des dirigeants qui parlent aux médias sous couvert d’anonymat mais pourquoi donc ? C’est au sujet d’une revendication de revalorisation d’un métier dont l’utilité semble avoir été enfin reconnue: les infirmières et infirmiers. Le point de vue des ces anonymes, « dirigeants de cliniques privées et politiciens de droite », est relayé par la RTS : « Le personnel soignant ne fait que son métier, à savoir soigner, et c’est la raison pour laquelle un salaire leur est versé chaque mois, sans besoin de prime ». Pourquoi l’anonymat ? Un rapport de force qui se modifie quelque peu ou simple mépris ? En tout cas, la revendication de l’Association suisse des infirmières (ASI, voir le Suivi des 21 et 25 avril) ne consiste pas en une prime (comme le proposent le trio fribourgeois PDC, UDC et PLR) ou autre une récompense mais en une revalorisation du métier impliquant une augmentation de salaire. (Source : RTS) 15h: Deux banderoles à Genève. « Leurs profits nos mort.es, arrêt du travail non essentiel, grève des loyers, réquisition des logements vides » et « Et après? On redémarre la machine à détruire la planète ou on change de système? » (source: Page FB Feu au lac, Page FB solidaritéS Genève)
14h30: Encore quelques panneaux détournés à Genève. (source: Silure)

Samedi 25 avril

17h: Le Temps s’est fait l’écho cette semaine d’une énergique prise de position de l’Association suisse des infirmières et infirmiers. L’ASI essaie d’obtenir un bénéfice tactique de la crise sanitaire, en réclamant l’application anticipée des revendications de l’Initiative fédérale sur les soins infirmiers que le parlement fédéral essaie de torpiller. La Suisse, apprend-on, ne forme que 43 % de ses infirmières et infirmiers. À ceux qui seraient tentés de se féliciter de la bonne gestion de la crise en Suisse, il est bon de rappeler que ce pays n’a pas de système de santé. Il emprunte celui de ses voisins, sans vergogne et sans rien donner en échange. Même si Le Temps laisse une large place à la position de l’ASI, la conclusion de l’article laisse la parole à l’un des représentants des assurances maladies au parlement fédéral. Et l’argumentaire solide et politique de l’ASI se trouve soudain réduit à un slogan : notre patience est à bout. (source: Canal Telegram Détaché de presse)

13h: Le Silure publie le témoignage d’un astreint de la Protection civile. En ce moment de catastrophe sanitaire, il s’interroge sur la dérive de cette structure dont le but officiel est l’assistance à la population en cas d’événements dommageables ou de catastrophes. «L’armée et la protection civile prétendent être prêtes à parer à toute éventualité, en fait non. Tu as l’impression qu’ils se préparent les trois-quart de l’année à vivre un bombardement de l’armée allemande qui n’est jamais encore arrivé jusqu’à aujourd’hui. Mais une pandémie, visiblement, ils ne savent pas la gérer…». En attendant le conflit « La tâche des affectés pour la patrie, en temps normal, c’est par exemple d’aller voir si les sirènes d’alarme fonctionnent ou si dans les abris PC l’eau est disponible…». Mais pendant le Covid 19 «toute une partie des astreints est au service de certaines entreprises privées qui sont contentes d’avoir trouvé de la main-d’œuvre gratuite.» Parfois l’entreprise offre généreusement «un plat du jour à midi. Entre le coût de ce plat d’environ 14 CHF ou le salaire d’un mois, c’est tout bénéfice»
Et notre témoin, nous livre une opinion claire et réjouissante : « je suis contre le fait que la protection civile soit mise à disposition, gratuitement, du secteur capitaliste pour qu’il fasse du bénéfice en réduisant les coûts du travail pendant cette période ». Sans oublier que «surveiller les gens dans les supermarchés ou aller faire la morale aux promeneurs dans les parcs ou au bord du lac, ce n’est clairement pas ce pourquoi les astreints ont été formés jusqu’à aujourd’hui.» Puisqu’on est à Genève, il pose la même question que Patrick Juvet en 1977, Où sont les femmes ? mais apporte une réponse bien plus passionnante… (source: Silure)

11h: Pression sur des personnes vulnérables. Contraint à prendre les transports publics s’il devait retourner au travail, ce que son médecin lui recommande fortement d’éviter, un homme travaillant dans la construction raconte la réaction de son employeur : »Il l’a pris de manière négative et m’a plus ou moins menacé de me renvoyer si je ne faisais pas d’efforts de mon côté ces prochaines semaines. […] On m’a clairement dit par téléphone que je ne pouvais pas travailler depuis la maison les trois prochains mois. […] Je passe beaucoup plus d’heures à travailler pour mon montrer ma motivation. Et à côté de ça, une fois que j’ai fini de travail, je fais une recherche d’emploi tous les soirs car j’ai peur de perdre mon travail. […] Je sais que si je fais valoir mes droits, ça pourrait me protéger à très court terme. Mais cela me sera reproché à long terme. Je suis très inquiet d’autant plus inquiet que la situation économique risque d’empirer ces prochains mois et que de retrouver un travail ce sera difficile. Ce sera d’autant difficile que j’ai des problèmes de santé qui limitent mes recherches d’emplois. » Et on apprend, par la RTS, que la confédération fait confiance aux entreprises sur ce dossier. Pas nous… (Source : Forum, RTS La 1ère)

Vendredi 24 avril

14h: Collage à Genève près de la plaine de Plainpalais. « Femmes en 1ère ligne, merci ! » !

13h30: Dans une lettre envoyée au Conseil fédéral, au Conseil d’État et au Conseil administratif de la Ville de Genève, les marchand.e.s de marchés genevois décrivent : «Au supermarché, on utilise tous le même caddie, au marché non. Au supermarché, on ouvre et ferme tous les mêmes frigos/congélateurs, au marché non. (…) Au supermarché, on pianote tous la même balance pour peser nos marchandises, au marché non. (…) En pleine crise sanitaire, au supermarché on peut continuer à faire ses courses, au marché non. Cherchez l’erreur…». «C’est une inégalité de traitement inacceptable!» dénonce le président de l’Association des marchés de Genève. Si récemment, des stands ont pu reprendre leurs activités à Plainpalais et à Carouge, les marchand.e.s « considèrent le dispositif insuffisant et discriminatoire (et s’indignent) du fait que le maintien de l’interdiction des marchés fait la part belle aux grandes enseignes, au détriment des vendeurs sur stand ». (Source: Le Courrier)

13h: Dans les 20 EMS du canton de Genève, 104 personnes âgées sont décédées. Le Courrier rapporte que « la situation reste tendue. « Nous avons pu remarquer que la crise ne faisait qu’accentuer les disfonctionnements là où ils existaient déjà», explique un syndicaliste d’Unia. Un constat partagé par deux aides-soignantes d’un EMS: «Nous avons besoin de plus de personnel expérimenté», assène Fanny*. Sa collègue, Josiane*, qui travaille dans une unité Covid-19, rebondit: «Des intérimaires nous aident. Mais la direction nous a avertis que, le budget étant épuisé pour l’année, elles ne seront plus là la semaine prochaine.» «Nous vivons une crise, renchérit Fanny. Ce n’est pas l’heure pour parler d’économies, d’autant qu’on nous en parle déjà toute l’année.» Et sa collègue d’analyser: «On manque de matériel. Du coup, le virus se propage en dehors du service. Mais le plus difficile, c’est de voir nos aînés partir dans la souffrance et souvent seuls: ce n’est pas une mort normale avec ce virus. Même avec la morphine, ils gémissent alors qu’ils sont inconscients.» (Source : Le Courrier)

12h30: Sphère privée : Les médecins romands proposent à leur tour leur pierre à l’édifice du déconfinement : le concept du «déconfinacheck» résumé ainsi : «Autant les décisions de confinement ont été coercitives, centralisées, autant les mesures de reprise doivent être individualisées, en fonction du risque de chacun, de ses conditions d’existence et de travail.». La crainte des médecins : la mise à mal ou la disparition de deux de leur principes fondamentaux, le secret médical et le respect de la sphère privée des patient.e.s. Le président de la Société vaudoise de médecine et de celle de la Suisse romande évoque des possibles dérives : «Des partis politiques sont en train de dire que les entreprises devraient pouvoir tester leurs employés dans un but de protection et pouvoir ainsi délivrer des certificats d’immunité. D’autres estiment que les autorités devraient se charger de ces opérations en les centralisant. » (Source : Le Courrier)

Jeudi 23 avril

14h30: Sur Barrikade, des risques d’évacuation pour le grand squat zurichois de la Juch-Areal dans le quartier d’Altstetten. La municipalité de Zurich veut évacuer cet espace où vivent plusieurs dizaines de personnes depuis octobre dernier. Ils ont reçu un ultimatum au 24 avril pour quitter les lieux. « Ainsi, dans l’ombre de la crise de Corona, les gens sont chassés de chez eux et les espaces culturels alternatifs sont détruits. » La Juch-Areal est un ensemble d’anciens baraquements pour requérants d’asile laissés à l’abandon par l’administration municipale après la construction des camps d’asile fédéraux. Le hashtag #JuchBleibt a été lancé sur twitter. Solidarité! (Source: Barrikade, non traduit)

14h: Tags à Genève sur les affiches de l’agence de pub Neo Advertising. « [Un grand merci] de ne rien changer », « [Un grand merci] d’avoir donner (sic) (encore) le monopole à Coop / Migros », « Prétexte publiciataire au grand retour du bazar ». (source: Silure)

13h15: Dans Le Courrier d’aujourd’hui, un article sur la situation des intérimaires. A l’annonce du semi-confinement le mois dernier, les entreprises ont massivement congédié les temporaires. Ils n’ont pas le droit aux RHT et d’autre part « ont peu de chance de toucher des indemnités de chômage suffisantes pour vivre ». Unia Genève demande un fonds d’aide cantonal afin de les soutenir et a fait témoigner des intérimaires lors d’une conférence de presse. Alimentation/logistique: « «Je ne suis pas payée depuis le 12 mars», témoigne Francesca ». Elle travaillait via l’agence One Placement pour le primeur Ronin, qui livre des restaurants scolaires. « Je n’ai pas été licenciée. Je suis juste en suspension.» Employée en Suisse depuis neuf mois seulement, elle ne peut pas toucher le chômage «normal». Bâtiment: Antonio est temporaire depuis deux ans et demi dans le groupe de construction Implenia, « on lui a simplement dit, le 18 mars, de ne plus venir ». « [O]n me dit que je suis trop vieux pour être engagé en fixe ». Hôtellerie: « Samir*, qui occupait quant à lui une activité temporaire à l’hôtel Mandarin Oriental, témoigne : « Suite à l’annulation du Salon de l’auto, mon employeur m’a annoncé la fin de ma mission temporaire. J’ai d’abord cru que j’avais le droit au chômage technique, comme tous les autres employés de l’hôtel. Mais ce n’était pas le cas. » (source: Le Courrier, Page FB Unia Genève)

12h: Affichettes dans la rue et dans des entrées d’immeubles à Genève. Grève des loyers! (source: Silure)

Mercredi 22 avril

13h30: Une directive des Transports publics genevois (TPG) « donne l’impression que certains méritent plus de vivre que d’autres » s’insurge un conducteur de l’entreprise. Afin de choisir à qui offrir certaines journées de piquet à domicile, les TPG ont opté pour le critère suivant : ne pas avoir eu d’accidents depuis trois ans ou avoir été considéré comme notoirement méritant l’an dernier. Une conductrice explique que « personne ne fait exprès d’avoir un accident, qui peut venir de la malchance. Avec le virus, ceux qui roulent se sentent en danger. C’est choquant qu’on nous dise: tu es mauvais, tu es puni, tu peux choper le Covid-19.» (Source : 20minutes)

13h: Dans le 24 heures du 18 avril, article sur une association distribuant, comme à son habitude, des repas à des personnes sans-abris à Lausanne a également été stoppée par deux agents de police municipale la semaine dernière. Même prétexte qu’à Genève (voir 20 avril) : pas d’autorisation. On apprend que la « police municipale de Lausanne ne cautionne pas l’action » des agents. « Il n’y a pas d’interdiction de l’activité de la Maraude, explique le porte-parole du corps de police. […] il s’agissait de vérifier le respect des distances. Malheureusement, il y a eu une incompréhension, un raccourci de la part des agents, une initiative malheureuse en disant que les bénévoles n’avaient pas le droit de faire cette distribution. » Initiative malheureuse ou un banal exemple de plus du pouvoir discrétionnaire laissé à ces agents ? (Source : 24heures)

Mardi 21 avril

19h30: Le Silure publie un témoignage de deux agentes au sol sur le travail à l’aéroport. L’une d’elle dit : « je travaille pour cette entreprise, parce que je ne trouvais pas de boulot à la suite de ma formation ». Elles abordent tant la situation de la crise du Covid-19 que la routine infernale. Vu les conflits sociaux réguliers qui se déroulent à l’aéroport, on se doutait que c’était pas un regroupement d’employeurs Bisounours. Bingo ! « Là en gestion de crise c’est zéro mais il faut dire que c’est délirant comme entreprise en temps normal ». Difficile de lutter à l’aéroport, une panoplie vertigineuse de type de contrats, des CDI qui sont payés à l’heure, des contrats qui sont adaptés au « besoin opérationnel », aux saisons, etc… Les 14 et 15 mars, « tout le monde était entassé dans la queue comme d’habitude ! Il n’y avait encore aucunes mesures. Ni plexiglas, ni gants, ni rien du tout ! En travaillant au guichet, je ne me suis pas sentie en sécurité. Je ne suis pas quelqu’un de spécialement angoissé. Mais j’ai pris des dispositions personnelles pour me rassurer […] Il y a un moment où j’ai beaucoup hésité à me rendre au travail. Je ne voulais pas, en y allant, risquer de contaminer d’autres personnes ensuite. Un dilemme entre santé et argent. Faire le choix de ne pas aller travailler lorsqu’on est payé à l’heure serait revenu à ne pas avoir de salaire. » Une question de fond qu’elles posent est celle des bullshit vols : « les compagnies low cost […] ont créé un désir qui n’existait pas avant […] personne ne devait aller absolument à Pula avant qu’une compagnie low cost ne propose cette destination ». Et un dernier constat : « Fermer l’aéroport : Maintenant tout le monde est tout à coup d’accord. Alors qu’en temps normal, quand des gens disent «il faut réduire le trafic », ils ne sont pas entendus. » (Source : Silure)

17h: Le « journaliste » Pierre-Alexandre Sallier pratique la distanciation sociale avec le vocabulaire de la conflictualité. Son article sur la grève des loyers est hérissé de guillemets, ces gestes barrières idéologiques, qui insinuent à la fois la distance critique du « journaliste » et son mépris pour cet appel à la grève des loyers, qu’en petit léniniste tamédiatique, il juge « très politique ». Sallier souligne que l’appel n’a pas permis « d’établir un rapport de force avec les grands groupes immobiliers ». Il oublie de mentionner qu’une part importante des ressources publicitaires de son employeur provient… des grands groupes immobiliers. Pour éviter la contagion gréviste, Carlo Sommaruga conseille aux locataires de « mobiliser leurs marges de manœuvre » pour payer leurs loyers. Il faut vraiment être un sénateur socialiste pour penser que les « marges de manœuvre » sont du côté des locataires plutôt que de celui des propriétaires. (source: Canal Telegram Détaché de presse, Tribune de Genève)

15h30: L’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) a adressé une lettre ouverte au parlement concernant la revalorisation de la profession. Ils critiquent à nouveau la décision du Conseil fédéral du 20 mars dernier de retirer le droit au repos du personnel soignant. « La crise montre également de manière éclatante l’importance systémique des soins infirmiers. Une reconnaissance financière de notre travail dans cette situation extraordinaire serait donc plus qu’appropriée! […] Fini les belles paroles; le monde politique doit passer à l’acte – maintenant. […] Le personnel s’épuise parce qu’on lui refuse systématiquement le temps de prodiguer aux patients les soins dont ils ont besoin. Le personnel soignant n’est plus disposé à travailler en permanence au-delà de ses limites, au prix de sa propre santé. » (Source: ASI)

15h: « La grève des loyers, c’est maintenant ! ». Après une initiative similaire à Genève, lancement côté alémanique d’une grande campagne nationale pour la grève des loyers (« Mietstreik » en allemand), la revendication est simple: une remise de loyers pour les 3 prochains mois « ou aussi longtemps que durera la crise, et ce afin d‘atténuer la menace existentielle pesant sur les travailleurs et les travailleuses ». Le site web est classe et traduit dans quatre langues. Il est proposé d’envoyer des courriers anonymisés de semonce à son propriétaire ainsi qu’aux grandes propriétaires immobiliers suisses comme les entreprises Swiss Re, Swiss Prime Site ou UBS. (source: Mietstreik)

12h30: Toujours dans Le Temps d’hier, un article sur les gens du voyage (yéniches, manouches et sini). « Le confinement rend difficiles, voire impossibles, le travail des communautés nomades suisses, ainsi que leurs déplacements ». Il risque aussi de ne pas y avoir assez d’aires d’accueil cet été. « Pour nous c’est une immense catastrophe, même les communes qui nous acceptaient d’habitude nous refusent à présent » (source: Le Temps)

11h30: Dans le Temps d’hier, un article sur la misère sociale dans le canton du Tessin depuis le début de la pandémie. « A La Croix-Rouge Tessin, la demande de fourniture de biens de première nécessité « a plus que doublé» […] Chez Caritas, en quelques semaines, autant d’interventions ont été réalisées qu’en un an habituellement ». Il est rappelé qu’au Tessin, « le salaire médian est de quelque 1000 francs inférieur au reste du pays ». (source: Le Temps)

9h: Chez les camarades de Barrikade, un communiqué revendique le peiturlurage des locaux zurichois de l’institut libéral Avenir Suisse, ainsi que des associations patronales EconomieSuisse et UPS dans la nuit du 15 au 16 avril. « [Ces organisations] travaillent intensément en coulisse pour rendre la crise exploitable pour le capital et pour répercuter les coûts à la baisse ». Le récent rapport d’Avenir Suisse qui propose des horaires de travail 24h sur 24h dans les entrepôts de logistique est dénoncé comme une nouvelle forme d’exploitation. Leur rôle dans l’entrée des logiques marchandes à l’hôpital est aussi souligné: « Nous n’oublions pas qui, au cours des dernières décennies, a fait pression avec succès […] afin de rendre le système de santé attrayant pour les investisseurs au lieu de le rendre utile à la société. » (source: Barrikade)

Lundi 20 avril

19h: « Des détenus au bord de la crise de nerfs » à la une du 20 minutes aujourd’hui. L’article parle de la situation à la prison de La Tuilière à Lonay (VD) [qui n’est pas seulement pour femmes apparemment]. Au début du mois, une pétition avait été lancée pour le retour des visites. On ne sait pas ce qu’elle est devenue. En tout cas selon l’article, « la tension est palpable depuis des semaines ». Depuis le 1er avril, l’administration pénitentiaire interdit aux proches d’amener eux-mêmes des paquets. Le frère d’une prisonnière témoigne « A cause du virus, seuls La Poste et ses concurrents sont autorisés à livrer des paquets. C’est un comble quand on sait qu’ils sont déjà débordés et souvent en retard ». Le manque de journaux et de cigarettes se fait sentir. En plus de ça, l’eau du robinet est coupée depuis 2 mois pour cause de contamination. « Bien que de l’eau en bouteille soit distribuée à volonté aux prisonniers, la situation est tendue ». Solidarité ! (source: 20 minutes)

17h: Vendredi dernier c’était la journée des luttes paysannes. Le syndicat Uniterre critique le conseiller fédéral Guy Parmelin (UDC) et son ordonnance du 1er avril qui vise à « faciliter certaines importations pour faire face à la crise actuelle du COVID-19 […]. L’État favorise encore et toujours le marché globalisé et les acteurs industriels de l’agro-alimentaire ». Le MAPC a profité quant à lui de cette date pour publier son manifeste. Des volontaires coordonnés par la Grève du climat et Agriculture du futur ont été accueillis pour la réalisation d’activités agricoles dans la campagne genevoise. « 17 avril. Journée internationale des luttes paysannes. Je veux manger local, je soutien les paysan.ne.x.s… et pas qu’en temps de crise. Pour une révolution paysanne ! » (Source: Uniterre, MAPC, Canal Telegram Grève du climat – Vaud)

15h50: Dans Le Temps de samedi dernier un article sur le quotidien de travailleuses du sexe (TDS) dans le quartier des Pâquis à Genève. L’article parle de l’action de l’association Aspasie, « fondée par Grisélidis Real qui défend les droits des TDS ». La situation est grave: « Avec l’impossibilité d’exercer leur métier, les plus précaires d’entre elles n’ont plus de quoi manger ni de lieu où dormir […] «Aspasie n’a jamais été autant sollicitée. Nous soutenons financièrement les TDS qui n’ont plus rien, […] Les plus vulnérables, une majorité de femmes, viennent de l’UE, d’Espagne, de Roumanie et de Hongrie surtout, au bénéfice d’un permis de 90 jours. Souvent, elles vivent sur le lieu des passes, dans le salon de massage ou dans les studios qu’elles sous-louent à prix d’or. Après avoir perdu le droit de travailler, elles n’avaient plus rien. […] Pour atténuer les effets brutaux du confinement, nous avons essayé de convaincre certains propriétaires de salons de laisser les TDS y dormir sans percevoir de loyer. Certains ont joué le jeu, mais pas tous, loin de là. […] Selon les témoignages que nous avons recueillis, la police se montre particulièrement zélée; de plus en plus de TDS se sont faits arrêter ces derniers jours en flagrant délit et sont désormais passibles d’une ordonnance pénale», déplore la coordinatrice d’Aspasie. » (source: Le Temps) 15h40: Après l’action des syndicats de la construction mercredi dernier sur un chantier de l’entreprise Induni, l’Etat a demandé à la Tribune de Genève de bien vouloir écrire un article. Malgré un taux d’infraction de 8% sur les 300 chantiers contrôlés (soit moins de la moitié du total des chantiers réouverts), le message donné est que tout va bien et qu’il n’y a rien à voir. La directrice de l’Office des autorisations de construire va même jusqu’à affirmer qu’il n’y a pas d’infractions sur le chantier objet de la dénonciation syndicale malgré les nombreuses photos envoyés par les syndicats qui démontrent le non-respect des mesures de distanciation sociale. Comme indiqué dans le texte du Silure « à toute vitesse vers le pire du monde », les pressions fédérales semblent avoir bien fonctionnées. De crainte de ne pas toucher d’indemnités, les entreprises ont décidé de réouvrir les chantiers. Le représentant patronal tente d’expliquer sans convaincre que la réouverture des chantiers est liée au déconfinement décidé jeudi dernier par le Conseil Fédéral. Pourtant, cela fait bientôt trois semaines que les chantiers redémarrent progressivement. (source: Tribune de Genève) 15h20: Un secteur qui profite de la crise, tout en exploitant ses employé.e.s : La RTS nous confirme par l’entremise d’un spécialiste en investissement « que le numérique est le grand gagnant de cette crise » : à commencer par Amazon « dont le court de l’action a touché des plus […] Les achats ou les payements [en ligne] se démocratisent bien plus, puisque vous aviez beaucoup de personnes qui avant le confinement allaient à la poste par exemple pour faire leur payement, et aujourd’hui s’essayent sur internet. Et évidemment lorsque ce sera le retour à la normale ces personnes continueront et comprendront que c’est très facile de faire ses payements en ligne. Même chose pour les rencontres en ligne (…) ». Drôle d’usage de la démocratisation. Et décidément, leur monde d’hier comme d’aujourd’hui fait vraiment (c)rêver. (source : Forum, RTS La 1ère) 15h10: Dans Le Courrier, un article sur une initiative solidaire à Genève qui a été interrompue par la police : La Caravane de solidarité, une association active par le passé auprès des réfugiés syrien.ne.s et des personnes sans papiers, distribuait depuis le 4 avril de la nourriture et d’autres produits (shampooing, savon, papier toilette…). Une des initiatrice de cette initiative fonctionnant sans argent, avec des dons déclare : « On croit que la misère n’existe pas en Suisse, mais elle est bien présente. A cause du coronavirus, beaucoup de travailleurs au noir ont été privés de ressources du jour au lendemain. Des familles suisses, aussi, se retrouvent dans une précarité aggravée. Les associations caritatives ont été prises de court, nous répondons à un besoin urgent car la misère déborde dans la rue. » Mais c’est sans compter le travail de la police. La distribution a été interrompue samedi 18 avril à Plainpalais, relate le journaliste du Courrier, la police a « placé sous séquestre la voiture-remorque de l’association avec son contenu. Une organisatrice a été entendue durant plusieurs heures au poste. […] Après un premier avertissement, la distribution a repris à un autre point de rencontre. «L’initiative de cette association partait d’un bon fond, mais elle n’était pas autorisée; et il s’agissait d’une récidive», précisait dimanche le porte-parole de la police cantonale. » Vous l’aurez compris la forme (autorisation) prime sur la fond (l’aide) même lorsqu’il s’agit de solidarité et de crise sanitaire (Source : Le Courrier) 15h: Malgré les circonstances, les appels pour le 1er Mai fleurissent en Suisse alémanique. Zurich: « La situation actuelle fait ressortir sans relâche les contradictions et la barbarie du capitalisme. […] Trouvons de nouvelles formes pour porter notre protestation dans les rues malgré la situation actuelle. Trouvons des formes pour briser l’individualisation imposée et pour lutter collectivement (mais toujours en toute sécurité) pour un autre monde ! (Aufbau) Bâle: « Malgré – et précisément à cause de – la situation actuelle, nous devons utiliser le 1er mai : comme un jour où nous luttons ensemble. Nous voulons montrer la perspective d’une société solidaire, et un système économique organisé par la base et adapté aux besoins de la population. […] La protection de nous-mêmes et des autres rend impossible la forme de mobilisation de masse, mais c’est peut-être précisément dans cette situation que de nouvelles formes de résistance s’ouvrent. […] Venez dans la rue en petits groupes, prenez vos propres banderoles […] Apportez des masques et gardez la distance nécessaire. » (Source : Aufbau, Barrikade, Page FB Revolutionäres 1. Mai Bündnis Basel, non traduit) 14h: À Bâle, banderole aux fenêtres d’un immeuble vide. « Massengekündigt ! Wohnen statt Profit » [Résilié collectivement ! L’habitat plutôt que le profit] Le communiqué dit « [Certains] dans la rue, en prison ou dans un camp d’asile fédéral, ne peuvent pas non plus rester chez eux. Il y a suffisamment d’appartements pour tout le monde, mais ils doivent être mis à la disposition de tous. » (source: Page FB Revolutionärer Aufbau Basel)
13h: Collage à Zurich. « Die Heldinnen kommen an ihre Grenzen. Mehr Personal, Lohn Und Kompetenzen » [Les héros et héroïnes atteignent leurs limites. Davantage de personnel, de salaires et de formation !] (source: Page FB BFS Jugend Zürich)

12h: Retour sur la manifestation de solidarité avec les réfugiés de samedi dernier à Zurich. L’appel invitait à venir au point de rassemblement en voiture et à vélo. La police a rapidement nassé le cortège, des véhicules et du matériel audio ont été confisqués et plusieurs arrestations ont eu lieu. La police zurichoise n’avait pas lésiné sur les moyens, sauf… les moyens de protection ! Le communiqué dit en effet que « contrairement aux manifestant.e.s, la police avait ni masques, ni gants ».
Trois revendications étaient au centre de la journée: l’évacuation des camps en Grèce, l’hébergement décentralisé des réfugiés en Suisse et la reprise immédiate du sauvetage en Méditerranée. « La guerre, la pauvreté due au colonialisme, tout cela existe encore et les gens continuent de fuir ». Il a été souligné que la crise du coronavirus renforce le racisme structurel déjà existant et que si l’arbitraire pour les personnes en exil existait bien avant le Coronavirus, aujourd’hui, le dispositif suisse de l’asile défie toutes les mesures de sécurité et de dignité. Le communiqué critique la politique du responsable de la sécurité du canton de Zurich le socialiste Mario Fehr (aussi responsable de l’asile). En conclusion, il dit que « l’État utilise la crise pour saper les droits fondamentaux et faire taire les voix critiques. Le système montre son côté le plus laid dans la crise ; des mesures autoritaires pour maintenir des conditions racistes et patriarcales et protéger le profit. »
Quelques banderoles: « Evakuerien jetzt ! » [Evacuer dès maintenant [les centres de rétention] », « Solidarität ohne Grenzen. Schutz für Flüchtende in der Schweiz, Griechenland & überall [Solidarité sans frontières. Protection pour les réfugiés en Suisse, en Grèce et partout] « Die Grenze liegt nicht zwischen innen und aussen sondern zwischen unten und oben » [La frontière n’est pas entre [ceux] dedans et à l’extérieur, mais plutôt entre le bas et le haut] (Source : Barrikade, Page FB RiseAgainstBorders, Page FB Revolutionäre Jugend Zürich – RJZ, Twitter @ajour_mag )

Dimanche 19 avril

11h30: À Genève, la brigade de solidarité populaire organise une récolte de masques, gants, produits d’hygiène et de soin, denrées alimentaires, matériel biodégradables pour servir les repas. Permanences les lundis et jeudis de 14h à 18h à L’Usine. (source: Page FB Brigades de solidarité populaire)

11h: Dans le Matin dimanche, un article sur l’exploitation des employé-e-s dans les centres de logistique qui traitent les commandes sur internet: « Devant l’écran et les quelques clics, difficile d’entrevoir la réalité des travailleurs. Parmi eux, Maria*, qui travaille à l’essai au centre de logistique d’Écublens (VD), préparant les commandes des ventes en ligne sur LeShop.ch, filiale de Migros. Chômeuse en fin de droits, Maria porte de grands espoirs sur la possibilité de décrocher un CDI. Mais dès le début de l’épidémie, le dépôt connaît des cas parmi ses employés. Maria étant une personne à risque, le médecin lui délivre un certificat médical à durée indéterminée. «L’agence d’intérim qui m’a placée m’a clairement fait comprendre que c’était un problème, et que je risquais de perdre ma place, raconte-t-elle. Je suis retournée travailler.» […] «Ce sont des travailleurs invisibles, généralement sans formation, des étrangers touchant de petits salaires… Ils vivent dans la peur constante du licenciement et l’employeur en profite.» » (source: Matin dimanche)

9h: Plusieurs syndicats d’enseignants en Suisse romande ont émis des critiques contre l’idée de rouvrir les écoles le 11 mai en l’absence de garanties. « Nous le disons clairement: dès que les conditions sanitaires seront remplies, l’enseignement en classe devra reprendre. En effet, le télé-« enseignement» n’est guère praticable dans bon nombre de contextes familiaux et ne fait qu’aggraver les inégalités sociales. Mais pour l’heure, ces conditions ne sont pas réunies. » (source: SSP)

Samedi 18 avril

12h: A Bâle, une action de solidarité avec le personnel le 9 avril dernier devant le Bruderholzspital. « La santé plutôt que le profit ! Nous avons besoin d’une société qui soit organisée en fonction des besoins et non en fonction des intérêts du capital ! C’est pour cela que nous devons nous battre. »

A signaler aussi, une banderole et des tracts distribués le 12 avril dans des immeubles locatifs appartenant au Credit Suisse. « Dans le quartier de Schorenweg, cette banque s’est distinguée par la plus grande résiliations de bail de ces dernières années. Alors que les locataires sont maintenant encore plus serrés que d’habitude à cause du Corona, les sociétés immobilières et les banques devraient-elles simplement continuer à percevoir leur loyer ? Non ! Annulez les loyers ! » (Source : Page FB Organisiert Kämpfen)
9h: Épée de Damoclès : Le SEM n’a donné qu’un délai de deux mois à Sangar Ahmad, un homme kurde d’Irak travaillant dans le nettoyage d’hôpitaux à Vevey (voir 9 avril, « Sangar Ahmad désinfecte les hôpitaux d’un pays qui ne veut pas de lui »). En tout temps, solidarité avec toutes les personnes en exil! (Source: 24 heures) Vendredi 17 avril 15h: Banderole à Genève sur la place des Volontaires. « Il y a les pays qui exportent les armes et ceux qui exportent des médecins #solidaritéinternationale »
14h: Pour Swissinfo, le journaliste Luigi Jorio a fait un passage en revue de la situation dans les prisons suisses. Au Tessin et dans le canton d’Argovie, il n’y a plus de droit aux visites, à Champ-Dollon c’est encore possible sous plexiglas (comme mentionné aussi dans le témoignage que nous avons publié). On apprend qu’à Champ-Dollon, le nombre de prisonniers est passé de 650 à 560. Les mesures alternatives sont « l’assignation à résidence, du bracelet électronique et de l’obligation de signature ». Plusieurs associations demandent une réduction de la population carcérale. « Cependant, suivre ce qui a été fait en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et dans d’autres États, et procéder à des libérations massives, ne semble pas être une option en Suisse. » (source: Swissinfo) 9h: Affiches à Genève sur la place de Montbrillant. « Nous ne reviendrons pas à la normale parce que le problème c’était la normalité »

Jeudi 16 avril

20h30: Petite manifestation à Berne pendant la conférence de presse du Conseil fédéral. « Solidarität heisst Asylcamps evakuerien » [La solidarité consiste à évacuer les camps d’asile] . (source: Page FB Revolutionäre Jugend Gruppe Bern, Twitter @fabokohler)

14h30: L’association patronale SSE qui disait hier dans un communiqué qu’il était « grand temps de mettre un terme à la campagne visant la fermeture générale de tous les chantiers ». Ca n’a pas très bien marché à Genève car une action intersyndicale a eu lieu ce matin pour bloquer l’accès au chantier de l’Etang à Meyrin (GE). « A la suite d’une intervention musclée de la part des agents de sécurité mandatés par le maître d’ouvrage contre les ouvriers qui refusaient de reprendre le travail, la police a dû intervenir. Au moment de l’envoi de ce communiqué, des tractations avec l’inspection des chantiers étaient toujours en cours. […] Même si les infrastructures sanitaires ont été mises en place, la nature même du travail sur un grand chantier rend impossible le maintien des distances de sécurité ». (Source: Unia Genève, SIT) 13h30: Encore sur les EMS, un article de La Liberté raconte que dans les canton de Vaud et de Fribourg des employées vulnérables sont obligés d’aller travailler par leur direction. « [C]e sont souvent des femmes (nettoyeuses, aides-soignantes, infirmières) plus très jeunes, précaires et craignant de ne pas retrouver de poste de travail, qui affrontent ces risques. […] A Fribourg, Catherine Friedli, secrétaire syndicale au SSP, rapporte un nombre important de cas d’employés d’EMS dont les employeurs requièrent la présence, malgré le fait d’être munis d’une attestation […] L’Hôpital intercantonal de la Broye a connu des tensions car le service de médecine du personnel n’a pas validé des attestations fournies par des médecins. » Solidarité ! (source: La Liberté) 13h: Unia Genève a publié mardi le premier témoignage d’une série consacré aux travailleuses dans les EMS (les EHPAD suisses). Une femme de chambre témoigne: « Le taux d’absentéisme, déjà important pour le secteur, a explosé ces derniers jours. « La situation est encore pire qu’avant. Il y a beaucoup d’intérimaires […] Le surmenage lui brise le dos et le manque d’effectif criant lui rappelle chaque jour qu’il n’y a « personne pour nous aider ». Avant la crise sanitaire, Manon travaillait pour deux, « maintenant je fais le travail pour trois ». » La direction ne vient même plus sur place, « [a]vant on les voyait tous les jours pour nous surveiller, maintenant il n’y a plus personne » (source: Unia Genève) 12h45: Dans Le Temps, un article sur la situation du personnel domestique à Genève. Nounous, auxiliaires de vie, femmes de ménage, elles n’ont souvent plus de revenu et craignent pour leur permis de séjour (quand elles en ont un). Elles « s’endettent et sont de plus en plus nombreuses à souscrire aux colis du cœur pour pouvoir manger ». « Le SIT a revendiqué au début du mois une allocation temporaire [cf ci-dessous, 3 avril] » mais aussi du « matériel de protection, des places en crèches ou écoles pour leurs enfants et la mise à disposition de chambres d’hôtel vacantes. » « Des employés sont mis à la porte, car ils étaient en colocation avec une personne fragile et ont poursuivi leur activité, pointe-t-elle. Garantir l’accès aux soins médicaux à tous, y compris sans papiers, est également essentiel dans cette situation.» (Source: Le Temps) 12h30: Dans le 20 minutes toujours, un monteur de meubles qui travaille dans une entreprise sous-traitante d’Ikea se plaint des cadences de travail et du manque de protections. « Lui et ses collègues reçoivent 50 ml de gel désinfectant et un seul masque. Joao assure que la quantité de travail ne lui permet pas de passer au dépôt pour se réapprovisionner en masques. » (source: 20 minutes) 12h: L’info n’est pas nouvelle mais elle fait la une du 20 minutes aujourd’hui sous le titre « Libérés faute d’avion pour leur expulsion ». A Genève, les deux centres de rétention (Frambois et la Favra) ont fermé il y a un mois car les renvois « ne sont plus possibles pour des raisons matérielles ». Aucune information sur leur réouverture prochaine, tant mieux ! La situation semble être différente d’un canton à l’autre pour les centres de rétention. Par exemple avec le centre LMC de Granges (VS), il y a eu des libérations mais on ne sait pas si la prison est fermée. (Source: 20 minutes, Le Nouvelliste) 10h: Dans une lettre ouverte aux autorités, des organisations et des partis du Canton de Vaud mettent en avant les conséquences de la perte d’emploi dû à la crise du Covid-19 sur des personnes exclues ou précarisées par l’État et demandent des mesures pour y palier. Il s’agit des personnes sans-papiers, estimées à 12 000 dans le canton, ainsi que celles au bénéfice de permis dont le renouvellement dépend d’un emploi ou du non-recours à l’aide sociale. Parmi les impacts, notons le renoncement au soin, le manque de nourriture, la précarisation grandissante et l’incapacité à payer des factures, parce qu’elles n’ont pas droit à l’aide sociale ou parce qu’elles y renoncent pour ne pas risquer de devoir quitter le territoire. Revendications des signataires : garantie que la cessation d’activité à cause de la crise sanitaire n’ait pas d’impact sur une régulation ou un renouvellement de permis ; accès complet aux soins ; aucune sanction ou expulsion pour les personnes en situation irrégulière ; libération des personnes détenues en vue d’un renvoi. La crise sanitaire du Covid rappelle que la précarisation et l’exclusion de personnes qu’engendrent les dispositifs des politiques migratoires suisses sont toxiques pour la santé des individus et parfois également pour la santé de la communauté. (Source : Le Courrier) 9h: En replaçant le bien commun au centre, l’édito du Courrier du jour tient sa position en parlant de l’après crise autrement que les autres journaux de la place : « Boucler les centres commerciaux et autres dealers de superflu, clouer au sol EasyJet et ses oiseaux de malheur, et cela au nom de l’intérêt vital des citoyens: la crise sanitaire actuelle a le mérite de rappeler ce que la politique peut. Le bien commun est encore une boussole primordiale, capable de mobiliser une société, en dépit de la puissance des investisseurs et du chant de leurs apôtres. » Mais aussi de rappeler qu’« il s’agira d’être imaginatifs et novateurs, mais aussi déterminés et radicaux. La crise du Covid-19 – avec son lot d’injustices, sa mise en lumière des effets pervers de la mondialisation et des limites du discours économiste de la santé, sa remise au cœur du monde de l’État et de l’humain – nous offre des arguments précieux dans la lutte pour un changement de paradigme. Et probablement une opinion publique plus ouverte qu’hier. Le pire serait néanmoins de croire la voie pavée et l’attentisme suffisant. Il est plus que temps de déconfiner nos luttes. » (Source : Le Courrier) 8h: Banderoles respectivement sur l’église de Fraumünster de Zurich et le centre alternatif Reitschule de Berne. « Nicht nur ihr wollt überleben. #Riseagainstborders » [Vous n’êtes pas les seuls à vouloir survivre] et « Covid19 bedeutet: Moria & alle Asyl-camps evakuieren. Grenzen öffnen ! #LeaveNoOneBehind » [Covid-19 implique d’évacuer Moria et les camps d’asile et d’ouvrir les frontières ! #LeaveNoOneBehind] (source: Page FB Riseagainstborders et Page FB Revolutionäre Jugend Gruppe Bern)

Mercredi 15 avril

19h: Les éditoriaux copié-collés de la Tribune de Genève et du 24 heures d’hier et d’aujourd’hui sont exemplaires des partis pris et des priorités de leurs actionnaires. Alors qu’hier on mettait en garde contre la « gauche syndicale qui réclame contre vents et marées un confinement généralisé et l’arrêt des chantiers », aujourd’hui le journaliste Philippe Rodrik indique avec enthousiasme que la crise est un bon prétexte pour augmenter l’âge de la retraite. Cette perspective avait pourtant fait échouer le plan Berset en votation (2017). Les capitalistes n’ont semble-t-il aucune vergogne a exploiter une catastrophe sanitaire pour imposer une catastrophe sociale. L’occasion fait le larron… (source: Canal Telegram Détaché de presse)

17h: Deux autres nouveaux articles à signaler sur notre site, d’abord un texte de solidarité avec les prisonniers de Champ-Dollon et qui pointe du doigt le caractère pathogène de l’institution carcérale. « Notons que ces proportions ne sont pas le fruit du hasard mais bien les conséquences d’un système judiciaire qui stigmatise et criminalise toujours plus les personnes les plus précaires de nos sociétés. »
Un autre article répond aux questions qui se pose lorsqu’on parle de grève de loyers. L’idée est d’offrir un outil de vulgarisation juridique au service des locataires dans la jungle du droit du bail. (source : Silure)

14h: Dans Le Temps d’hier, prise de position à contre-courant d’une chercheuse en cybersécurité qui critique l’utilisation de technologies de surveillance pour des raisons sanitaires. « Il n’est pas improbable que, lorsque les besoins de surveillance liés au Covid-19 ne seront plus d’actualité, les technologies testées durant cette période soient utilisées à d’autres fins que celles avancées pour la santé publique et la lutte contre la pandémie. Que cela soit basé sur un relatif volontariat de la population, bien préparée par à un marketing efficace du consentement à la surveillance (pour contribuer à faire télécharger l’application), ou que cela soit imposé par des autorités, il en résulte une acceptation passive et généralisée de la surveillance par les pratiques numériques ». (source: Le Temps)

11h: Sur Renversé, un article raconte qu’une expulsion dégueulasse a eu lieu mardi à Genève à l’avenue Henri-Bordier, dans un immeuble géré par la Fondation HBM Emile Dupont. « Douze policiers sont intervenus et n’ont respecté aucune des consignes sanitaires : pas de gants ni de masques, trois à quatre personnes par voiture, non-respect des distances sociales. Ces personnes risquent а présent une condamnation pour séjour illégal avec une peine d’emprisonnement, ainsi qu’une peine pour violation de domicile et pour dommage а la propriété. » solidarité! (source: Renversé)

10h: Le Silure publie le témoignage d’un prisonnier de Champ-Dollon, c’est un document de première importance et le premier à sortir de l’intérieur depuis la révolte des 3 et 4 avril derniers. L’entretien évoque le quotidien dans la prison en période de corona: « Ici, on nous donne un masque différent chaque jour. Et on doit le mettre dès qu’on sort de la cellule. C’est obligatoire. On a aussi du savon en cellule et un accès au lavabo. » Il pointe du doigt le fait que « l’accès aux assistants sociaux a été supprimé » alors qu’ils sont nécessaires « pour demander des aides [et] pour préparer sa demande de conditionnelle ». « Et en plus pour l’annoncer, ils ont mis des affiches. Ça a été un problème parce qu’il y a plein de gens qui ne savent pas lire. »
Il y a aussi des précisions sur le déroulement des faits durant la révolte d’il y a deux semaines : « les manifestations ont eu lieu aux promenades des Albanais » (l’administration pénitentiaire pratique depuis des années la séparation ethnique pendant les promenades). Il raconte aussi qu’un prisonnier « est monté jusqu’au barbelé en haut du grillage. Il s’est blessé dessus. Je n’étais pas là, mais j’ai entendu. Et après coup, j’ai vu des traces de sang par terre. J’ai entendu dire qu’il a été mis 10 jours au cachot pour ça. ». Les protestations continuent, chaque soir les détenus font du bruit. A lire absolument ! (source: Silure)

Passer la quarantaine dans sa voiture

Passer la quarantaine dans sa voiture

Je travaille dans un restaurant. Il y a deux semaines, lundi 9 mars, un de mes collègues était malade au boulot. Le lendemain, je l’ai appelé. Il m’a dit qu’il avait « la grippe ». A partir de ce moment-là, j’ai eu peur. Je me suis dit que je devais éviter tout contact avec des personnes avant de faire le test du coronavirus. J’ai dormi cette nuit-là, mardi, dans ma voiture.

Ce témoignage a été recueilli par téléphone le 23 mars 2020.

Mercredi matin, je me suis rendu à l’hôpital pour me faire tester. J’ai expliqué au docteur que j’habitais chez un ami. Il m’a demandé de rester à la maison jusqu’à ce que je reçoive le résultat. Je lui expliqué que je n’avais pas de maison, que j’habitais chez quelqu’un. Je me suis dit : « Si je suis positif, je ne peux pas aller là-bas ! ».

J’ai dit au médecin que j’allais dormir de ma voiture. Il m’a dit : « Ne vous inquiétez pas, je vais trouver une solution». Mercredi soir, j’ai à nouveau dormi dans ma voiture.

Jeudi 12 mars, j’ai appelé mon assistante sociale de l’Hospice générale. J’ai un permis F. Comme je travaille, je ne reçois pas d’aide. Mais ce jour-là, comme je n’avais pas le choix, j’avais besoin d’aide, je l’ai appelé. Et je lui ai dit que j’avais peut-être le coronavirus, que comme j’habitais chez quelqu’un je n’osais pas y retourner et que je dormais en ce moment dans ma voiture. J’ai lui ai expliqué que si je me rendais quelque part, je pouvais transmettre le coronavirus. Mon assistante m’a dit : « Il faut que tu ailles en France, dans un hôtel. » Je lui ai répondu que si j’allais dans un hôtel, j’avertirais que j’avais peut-être le coronavirus. Elle voulait que je ne dise rien, que je ne l’annonce pas à l’hôtel ! Je ne voulais pas faire ça, ce n’est pas correct ! Elle m’a aussi dit d’aller en France parce que l’hôtel y est moins cher. C’est moi qui aurait payé la facture. Mais mes papiers ne me permettent pas de sortir de Suisse ! C’est mon assistante sociale qui m’a dit ça ! Après elle m’a dit qu’elle ne pouvait rien faire de plus pour moi. Du coup, je suis resté jusqu’au samedi 14 mars dans ma voiture. Durant cinq jours, j’ai dormi dans ma voiture. Finalement, dimanche, ce sont les pompiers qui m’ont trouvé un lieu : un abri de la protection civile.

« Ils m’ont juste dit: Restez chez vous et restez seul. »

 

Le vendredi 13 mars, l’hôpital m’a appelé pour me dire que j’étais positif.

J’ai appelé chaque jour l’hôpital : « Est-ce que vous pouvez me trouver un endroit où dormir ? Je ne peux pas sortir, je suis positif au coronavirus. » On me répondait : « On ne peut rien faire. » Mon assistante sociale disait : « On ne peut rien faire. » Personne ne pouvait rien faire.

J’appelais tous les jours à l’hôpital. Dimanche, les médecins m’ont finalement envoyé vers les pompiers. J’ai appelé les pompiers qui m’ont dit : « On va s’occuper de votre situation. »

Dimanche 15 mars au soir, ils m’ont donné l’adresse d’un abri de la protection civile. Ils ont ouvert ce lieu qui était vide pour moi. Je m’y suis rendu et j’y dors depuis dimanche dernier, depuis plus d’une semaine. Les pompiers m’ont juste dit de dormir à l’intérieur et m’ont amené à manger. Un autre homme, comme moi atteint du coronavirus, a aussi dormi là-bas avec moi. Ils fermaient derrière nous. On ne pouvait pas sortir. Nous on ne voulait pas sortir. Ils nous ont amené de la nourriture trois fois par jour. Durant une semaine, on n’est pas sorti.

J’ai passé une semaine dans ma voiture et une semaine dans cet abri de la protection civile. Normalement je dois quitter ce lieu aujourd’hui. Le docteur m’a donné un arrêt maladie jusqu’au 22 mars. J’ai encore appelé mon assistante sociale aujourd’hui. Je lui ai expliqué que l’ami qui me laisse habiter chez lui ne veut pas que j’y retourne encore parce qu’il n’est pas sûr que je ne sois plus contagieux. L’assistante sociale m’a redit qu’elle ne peut rien faire. La seule chose qu’elle m’a proposé c’est d’aller dormir dans un autre abri de protection civile avec 40 ou 50 personnes. Je n’ai pas refait de test pour savoir si je ne suis plus porteur du coronavirus. J’ai appelé le docteur mais il m’a dit qu’ils ne faisaient pas de deuxième test. Il m’a dit que je pouvais sortir. Mais il m’a quand même dit que je devais faire attention de ne pas être proche de gens pendant 20 jours. Et l’assistante sociale voulait m’envoyer dans un endroit où autant de personnes vivent ! Je suis resté une semaine dans ma voiture, exprès pour ne pas approcher des gens. Ce soir, je vais rester encore dans cet abri de protection civile vide. J’ai dit que je toussais. Je ne veux pas aller dans l’autre abri rempli de personnes. Les pompiers n’ont rien dit pour l’instant.

L’hospice et l’hôpital n’ont rien organisé pour moi. Je n’ai pas compris. Ils m’ont laissé dehors. Ils savaient que j’étais positif et que je n’avais pas d’endroit où aller. Ils m’ont laissé comme ça. Ils m’ont juste dit : « Restez chez vous et restez seul».

Si je ne faisais pas attention, imaginez ! Pendant les jours passés dans ma voiture, je n’ai pas mangé. Je n’avais même pas reçu de masque. Je ne voulais pas aller à la Migros, je savais que j’étais positif. Je n’ai rien mangé. Si j’avais approché d’une personne âgée ou d’une personne malade, j’aurais pu tuer quelqu’un.

Mercredi 25 mars, au téléphone, il raconte encore :

Mon assistante m’a appelé aujourd’hui pour me dire à nouveau que je devais aller dormir dans l’abri de la protection civile où dorment une quarantaine d’autres personnes. Alors que je ne sais pas si je suis toujours contagieux ? Je me sens mieux mais je ne sais pas. Elle veut m’envoyer dans un endroit où il y a 40 personnes !

De toute façon, l’abri collectif que mon assistante me propose, c’est une solution uniquement pour la nuit. La journée, ils s’en fichent! Qu’est-ce que je vais faire toute la journée ? Je vais rester dehors ? Pour fuir le froid, je n’aurai pas d’autre choix que de me réfugier dans ma voiture. Tout est fermé.

Cette nuit encore, je peux dormir dans l’abri de la protection civile vide où je dors depuis plus d’une semaine. Mais demain je dois aller me présenter à 19h dans l’autre abri où dorment beaucoup d’autres personnes. Je ne veux pas y aller. Je ne veux pas encore être au contact d’autres gens. Je ne suis pas encore sûr que je ne peux pas transmettre le virus !

Je n’ai jamais demandé d’argent à l’Hospice. Je travaille et je paye mes assurances et mon loyer moi-même. La seule chose que je demande en ce moment c’est de m’aider dans cette situation du coronavirus. L’unique chose que je demande à l’Hospice c’est un endroit pour cette période difficile à passer! Et eux, ils ne veulent pas m’aider! Leur seule proposition, c’est un abri de la protection civile rempli de gens.

Jeudi 26 mars, au téléphone, il raconte encore :

N’ayant toujours pas trouvé de solution, je vais dormir à nouveau dans ma voiture cette nuit….

Une infirmière avec les mineurs en exil

Une infirmière avec les mineurs en exil

Tout a commencé à l’occupation du Grütli. Le 13 janvier 2020, quand j’ai appris qu’il y avait cette occupation, j’y suis allée et j’ai rencontré des MNA, des mineurs non accompagnés qui devraient être pris en charge par le SPMI, le Service de protection des mineurs. J’ai été extrêmement frappée par la mauvaise santé de ces jeunes. Ils montraient vraiment des signes de détresse terrible. Je découvrais que plusieurs d’entre eux avaient fait des tentatives de suicide. Certains avaient des attelles qui masquaient les blessures volontaires faites avec une lame. On sentait un désespoir et une tristesse qui n’étaient pas nommés. Mais les jeunes étaient là, malgré toute la difficulté que représentait leur situation.

Témoignage sur l’accès à la santé des jeunes MNA recueilli par téléphone le 19 mars 2020.

« Parmi les professionnels, très peu percevaient que ces jeunes souffraient. »

Ils m’ont identifiée comme soignante grâce à la première occupation, parce qu’un des hommes présent à cette époque leur a parlé, en arabe. Je ne sais pas ce qu’il leur a raconté. Mais tout de suite après, le jour même, ils sont venus vers moi pour me demander soit des médicaments, soit de l’aide. Avec par moment, des cris de désespoirs, comme ceux d’un jeune asthmatique, par exemple. Il y avait des problèmes d’infection urinaire, d’asthme, de gale, d’épilepsie et une fracture de la racine des dents ; et beaucoup de petits problèmes, comme des maux de tête, de dents ou autres.

Je dois dire que cette occupation du Grütli a été beaucoup plus éprouvante pour moi que la précédente, il y a 4 ans. Parce que les ados, ce sont vraiment des ados quoi. On peut les aider à obtenir les médicaments dont ils ont besoin. Comme le petit qui avait de l’asthme, il était tellement soulagé qu’il s’est jeté dans mes bras et qu’il a pleuré. Il a pleuré comme un enfant. Pourquoi ? Je ne l’ai jamais su. Il n’a jamais pu parler. C’est très violent cette histoire. Ce petit-là, il a disparu. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé.

A partir de ce moment, j’en ai amené quelques uns à l’hôpital. Très vite, je me suis aperçue que ces jeunes faisaient peur. Une femme médecin m’a confié qu’elle avait peur d’eux. Une infirmière m’a aussi demandé comment je faisais. Quand une médecin vient exprimer cette crainte, elle le fait gentiment, même si elle a peur. Mais je trouve plus honnête de le dire, que d’être agressive ou de les envoyer paître. Ce n’est pas facile pour les soignants s’ils ont peur…

De plus, ces jeunes sont souvent catégorisés comme étant des menteurs. On leur oppose tout de suite qu’ils sont plus vieux que ce qu’ils affirment ; alors que certains ont des papiers quand même, où ils peuvent prouver qu’ils ont 15 ans, 17 ans. Et le problème n’est pas leur âge !

On se trouve avec certains jeunes qui ont certainement des problématiques d’ados. L’un dit qu’il ne sait pas quoi faire, qu’il aimerait travailler comme ferblantier, mais il n’est pas reconnu. Il n’a pas de débouché pour trouver du travail, une école ou un apprentissage. C’est assez désespérant.

« Quelle vision on a des ces jeunes ? Qu’est-ce qu’on leur offre ? On leur montre la peur qu’ils inspirent et ils le ressentent très fort. »

Enfin, ils sont souvent taxés de polytoxicomanes. Alors que si ceux que j’ai rencontrés fument parfois des joints, tous ne prennent pas des drogues dures. Ça devient très compliqué pour eux de faire valoir qui ils sont. On ne les respecte pas. C’est faire fi de leur souffrance à ces jeunes, de les mettre uniquement dans la case « toxicomanie ». Un petit gars avec qui j’étais en route pour l’hôpital a croisé des connaissances qui lui ont proposé de fumer un joint. Il m’a interrogée : « Je peux ? ». « Si tu me le demandes, je vais te répondre non ; mais tu es assez grand, tu fais ce que tu veux », j’ai répondu. Il m’a dit : « T’as raison. » Il est resté avec moi ne m’a pas quittée jusqu’au soir. Donc je sais qu’il n’a pas fumé. On prétend quand même qu’il est toxicomane. Il confie que quand il fume un joint le soir ou par moment, ça le détend. Ils ont de telles vies ! Je ne suis pas en train de nier que de la drogue circule, mais je peux comprendre que quand ils n’ont pas à manger, ça calme aussi. A part le shit, le petit gars m’a dit qu’il avait arrêté et l’alcool et les drogues dures depuis longtemps. Et lui, il ne prenait pas de médicaments.

Quelle vision on a des ces jeunes ? Qu’est-ce qu’on leur offre ? On leur montre la peur qu’ils inspirent et ils le ressentent très fort. Un événement illustre cela : lorsque les jeunes MNA ont été accompagnés au SPMI à la fin de l’occupation du Grütli, des voitures de police ont tout de suite rappliqué avec leur sirène autour du bâtiment. J’ai été surprise, d’autant que la Ville avait promis de ne pas appeler la police, à moins d’événements graves. Et les jeunes s’étaient tranquillisés. Il faut savoir qu’ils craignent la police, et aussi les gens qui ont peur d’eux…

Après l’occupation

Un matin à 8h, je suis allée chercher un jeune à l’hôtel où il avait été logé par le SPMI. Un petit jeune qui avait la gale. Je lui ai dit : « Viens, lève-toi, il faut qu’on aille à l’hôpital, aux urgences. » C’était vraiment l’ado qui répondait : « Mais… je veux dormir ! » « Non allez, tu te lèves.. », j’ai insisté. « Non, après! », il a encore essayé. Puis, il s’est levé et je lui ai demandé : « Tu prends un petit déjeuner ? » Il a dit : « Non ». Je lui ai conseillé de se nourrir : « Écoute on sera à l’hôpital à 8h30, mais je ne sais pas combien de temps ça va durer pour qu’on voie un médecin, pour qu’on puisse te donner un traitement. Mange quelque chose. » Alors il a pris une banane. J’ai pensé : c’est toujours ça dans son estomac. Nous sommes partis et le réceptionniste de l’hôtel nous a rattrapés : « Ah non, non, non, il n’a pas droit à un fruit ! S’il veut un fruit, il doit payer ! Il faut qu’il paye sa banane 1.-. » Finalement, le gars a lâché : « Bon, ça ira pour cette fois. » Et nous avons pu partir avec la banane.

Effectivement, nous sommes arrivés à l’hôpital à 8h30 et en sommes sortis à 18h. Parce qu’on te donne un ticket et qu’il faut attendre ton tour ; il y a tellement de monde à l’hôpital. On lui a diagnostiqué la gale, comme à plusieurs de ces jeunes. D’ailleurs, j’ai constaté qu’il y avait un problème de santé publique. Ce qui aurait dû être fait ? Ceux ayant la gale auraient dû pouvoir rester à l’hôtel où ils dormaient pendant le traitement ; ensuite, une fois traités, on aurait pu éventuellement les changer de lieux et désinfecter les chambres. Au lieu de cela, ils ont dû aller dormir dans des sleep-in. Après avoir été diagnostiqués, le SPMI en a sorti certains de l’hôtel pour les mettre dans des dortoirs communs ! Tu augmentes le risque de transmission en agissant de cette manière. C’est une maladie transmissible, par contact. Le traitement devrait se passer ainsi : tu prends tes pilules le matin ; 8h après tu te douches, tu laves tes cheveux, tout ton corps et ton linge, et tu reprends quatre pilules. Donc il faut des produits pour se nettoyer, puis mettre des habits qui n’ont pas été en contact avec la maladie. Les habits propres, nous les avons obtenus grâce à un bon donné par le CSP.

« Qu’est-ce qu’ils attendent en venant ici ? J’ai vu des jeunes détruits. Est-ce qu’ils étaient déjà détruits dans leur pays ? Je ne sais pas. »

Un jeune a fait des chutes. Il disait qu’il était épileptique, qu’au pays il prenait des médicaments contre l’épilepsie. Depuis mi-janvier, il n’avait toujours pas été diagnostiqué. On ne savait pas. Il devait aller consulter dans deux semaines en neurologie. Malheureusement, j’ai peur qu’entre-temps on l’aie perdu. Je ne l’ai pas revu. Il y a une lenteur impressionnante dans les soins pour cette population. La médecine est fractionnée. Quand tu amènes quelqu’un comme ça aux urgences, on va te dire : « C’est possible que ce soit une gale, mais peut-être pas. Il faut donc revenir la semaine prochaine à telle heure, tel jour, à la permanence de dermatologie pour confirmer le diagnostic. » Tu as déjà perdu une semaine. Ils ont des doutes sur le diagnostic. Il y a toute une machine, des directives, une médecine parcellaire… Ce ne sont pas des médecins généralistes, ils procèdent par spécialité. Ensuite seulement, on te donnera les médicaments et vu les conditions dans lesquelles vivent ces jeunes… Plusieurs d’entre eux, on ne sait pas s’ils ont pu soigner leur gale.

J’ai trouvé que parmi les professionnels, très peu percevaient que ces jeunes souffraient. Quand ils sont agressifs, c’est souvent parce qu’ils ont faim ! Et comme ils ne reçoivent rien à manger… En même temps, moi je les trouve assez passifs ; de temps à autre, il y en a un qui pète les plombs mais très vite, il se calme. Les problèmes de santé, la nourriture en insuffisance, les liens avec ces jeunes ne sont pas assez discutés dans le milieu médico-social. On évoque le fait que ce sont des Algériens. C’est vrai… Mais pourquoi ? Ce serait intéressant de savoir pourquoi. Qu’est-ce qui se passe… Certains dorment dans des salons lavoir et d’autres dans des sleep-in. Ils ne se sentent pas bien ; ils ont peur la nuit, parce qu’il y a parfois des violences. Ils ne se sentent pas en sécurité. Parlons de leurs besoins : des lieux où dormir mais aussi où vivre, une sécurité alimentaire, des soins et être scolarisés ; eux, ils en causent tout le temps de l’école. Je pense qu’ils auraient besoin d’avoir un foyer, de pouvoir raconter leur histoire.

Qu’est-ce qu’ils attendent en venant ici ? J’ai vu des jeunes détruits. Est-ce qu’ils étaient déjà détruits dans leur pays ? Je ne sais pas. L’un d’eux m’a expliqué qu’il n’avait plus peur de rien depuis qu’il a fait la traversée de la Méditerranée dans un petit bateau.

Il y en a qui parlent très mal le français, parce qu’ils ont vécu dans la campagne en Algérie et ne sont pas allés à l’école. Ils sont démunis. Il faut maîtriser la langue pour se faire comprendre et se débrouiller. Les médecins leur prescrivent des antibiotiques, par exemple, sans expliquer où ils peuvent les obtenir. Ces jeunes, qui sont des mineurs non accompagnés, n’ont pas d’adresse, pas d’argent, pas d’assurance maladie. Le médecin doit mettre un signe sur l’ordonnance, les envoyer à la pharmacie du cœur qui se trouve dans un autre bâtiment de l’hôpital. Là, une infirmière leur donne le médicament, mais si l’hôpital ne l’a pas, il faut aller à la pharmacie Bedat, en face de la rue Voltaire, pendant les heures d’ouverture. Lorsqu’on les accompagne dans les différentes phases, ils réussissent à obtenir les médicaments. Mais beaucoup de jeunes, qui vont seuls à l’hôpital, en sortent seulement avec des ordonnances. Certains disent qu’ils en ont marre, ils sont découragés et j’en ai vu plusieurs qui n’arrivaient pas à obtenir de traitement. Mon expérience est que si on ne les accompagne pas, on n’arrive pas toujours à les soigner, ni même à comprendre ce qui leur arrive.

« Nous avons signalé le problème au SPMI : vu son état dentaire, il ne pouvait pas manger de sandwich. On nous a répondu que son certificat médical était échu, mais que de toute façon il recevait des repas hachés. »

Il y a aussi ces phrases que j’ai entendues : « Si vous croyez que votre malheur m’intéresse, vous vous trompez ! », prononcées par des gens qui se prétendent professionnels, qui ont une mission de santé. Parfois, à l’hôpital, il m’est arrivé de demander si le médecin ne pouvait pas mettre directement le tampon de la pharmacie du cœur permettant d’obtenir ainsi les médicaments gratuitement, et qu’on me réponde : « Vous n’avez qu’à les payer vous, les médicaments ! » Je sais pourtant qu’ils y ont droit… Je suis têtue.

Par contre, il y a des services où le personnel est sensibilisé à cette problématique comme la CAMSCO où, avec toutes leurs difficultés, les patients sans statut légal sont reçus par des infirmières et des docteurs qui les écoutent. Et ça change beaucoup la prise en charge. La difficulté à la CAMSCO est qu’ils prennent seulement 30 personnes par jour. Tu dois aussi attendre. L’infirmière fait un pré-diagnostic et soit ils peuvent te soigner sur place, soit ils t’envoient à l’hôpital. J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de respect, par rapport au personnel soignant. Du respect et un bon accueil. Certains parmi les professionnels sont nerveux, c’est normal, mais ils n’instaurent pas tout de suite un rapport de force. Ce respect semble aussi insufflé par le médecin chef. Les soignants peuvent peut-être exprimer quand ils en ont marre. De plus, des analyses se font : si une situation avec des jeunes se révèle difficile, c’est parce que ces derniers souffrent et non pas parce que ce sont des voleurs, des profiteurs, des toxicos. Ils pratiquent une médecine plus humaine.

Depuis que le coronavirus s’est déclaré

 

Il y a quelques jours, je me suis inquiétée pour un jeune qui a les dents cassées suite à une agression subie début janvier 2020. Je l’ai appelé vers 23h. Il m’a dit qu’il avait faim, qu’il n’avait pas mangé. J’ai eu de la peine à déterminer depuis quand ? Depuis le matin de bonne heure, depuis le petit déjeuner à l’hôtel où il est logé. Je me suis renseignée sur les directives, parce qu’il y en a toujours de nouvelles. On m’a affirmé qu’ils avaient droit au petit-déjeuner, ainsi qu’à deux sandwichs par jour pendant la semaine et 30.- de bons Migros le week-end ; je ne sais pas ce qu’on peut faire avec si peu ! Mais ce sont les nouvelles normes parce qu’avant, ils avaient seulement les petits-déjeuners. A 23h, il n’avait quand même pas mangé. Le petit gars m’a dit qu’il avait faim et je n’aurais pas supporté de lui répondre : « On verra demain ! » J’avais justement acheté pour lui des lasagnes et des boissons protéinées en pensant : quand il ne peut pas manger, au moins qu’il ait ça. Je les lui ai apportées à l’hôtel.

Nous avons signalé le problème au SPMI : vu son état dentaire, il ne pouvait pas manger de sandwich. On nous a répondu que son certificat médical était échu, mais que de toute façon il recevait des repas hachés. Alors nous lui avons demandé de photographier son repas et à midi, il a effectivement reçu des nouilles qu’il pouvait avaler, mais le soir…. à nouveau un sandwich ! Donc l’observation par le SMPI de leur situation est faite du bout des lèvres… On sent le mépris ! Évidemment, on va te rétorquer tout de suite qu’il n’a pas exprimé correctement sa demande. Et comme il y a un problème de langue avec lui – parce qu’il ne parle pas le français – c’est un peu plus difficile. Finalement, c’est un médecin d’une association qui est intervenu en faveur de ce jeune.

Actuellement, des lieux d’accueil de nuit s’ouvrent à cause du coronavirus, mais pas parce que la situation des gens est problématique. C’est pour lutter contre la contamination… Ça provoque des situations dramatiques, car ces lieux sont ouverts de 21h environ jusqu’à 7h du matin. Et là journée, ils vont où ? Dans la rue ? Il n’ont même plus la ressource de pouvoir se tenir au chaud à Globus, à la Placette ou dans un autre magasin. Tout est fermé à cause de l’épidémie. Alors on les laisse à la rue. Je ne comprends pas.

Le jeune à qui j’ai apporté à manger, à minuit, quand il m’a vue avec la nourriture, il m’a sauté dessus, il m’a pris dans les bras et m’a embrassé le sommet de la tête. Ah ! J’ai réalisé qu’il n’était pas au courant… Ce qui me fait dire qu’on devrait les rassembler et leur donner une information médicale structurée, avec traduction, sur le coronavirus et ce qui se passe actuellement. Je suis sûre que certains ne comprennent pas la situation. Le petit jeune ne sait pas pourquoi on ne doit pas m’embrasser. C’est une population délaissée…

 

 

 

« Faire au mieux » dans les Établissements publics pour l’intégration

« Faire au mieux » dans les Établissements publics pour l’intégration

Je suis éducateur. Je travaille aux EPI, les Établissements publics pour l’intégration, dans une résidence et je m’occupe d’adultes avec des troubles psychiatriques et des troubles du comportement associés. Je m’occupe de les accompagner dans les gestes de la vie quotidienne. Et, en même temps, je poursuis avec eux des objectifs d’apprentissage visant à atteindre un certain degré d’autonomie.

Ce témoignage a été recueilli par téléphone le 20 mars 2020.

« Il n’y personne qui a le courage de prendre les bonnes décisions. »

On parle beaucoup d’autonomie dans mon métier. C’est ce que j’essaye de faire avec ces personnes-là, l’apprentissage de l’autonomie au jour le jour, dans les gestes quotidiens, dans les petits soins de base. Cela peut aller d’apprendre à lire et à écrire, à savoir comment demander les choses, comment se comporter dans des situations de la vie sociale. Il arrive aussi que certaines personnes n’aient pas forcément les notions d’hygiène de base : hygiène intime, dentaire, les oreilles, la peau, les cheveux … Il s’agit de leur faire comprendre les risques d’une mauvaise hygiène pour la santé.

En étant éducateur, on a une proximité physique. On est chez eux, à leur domicile officiel. On est là pour leur toilette, pour s’occuper d’eux dans leur chambre. S’il le faut, on fait « la petite toilette ». On prend le gant de toilette et s’il faut essuyer des fesses, on le fait. S’il faut nettoyer la chambre parce qu’ils ont uriné dedans, on le fait. S’il faut changer les alèses, les nourrir, préparer à manger, on est là. Donc on est en contact, on se frotte.

« En ce moment, chez nous, un tiers des professionnels sont présents et deux-tiers absents. »

Cette semaine, à partir de lundi 16 mars, c’était de la folie. Ça s’est complètement dégradé pour les collègues le week-end du 14-15 mars. Dans mon groupe de collègues, l’une était malade, l’autre avait de la fièvre, un autre à 7h du matin prévenait qu’il ne pouvait pas venir, pour finir une collègue qui se sentait plus ou moins bien s’est rendue au travail, mais elle a été renvoyée à la maison pour éviter tout risque… La direction et les chefs, ils nous ont envoyé en renfort des collègues du pool de remplacement et des centres de jour. Il faut dire qu’en ce moment, chez nous, un tiers des professionnels sont présents et deux-tiers absents.

En logeant ici les résidents signent un contrat qui stipule qu’ils doivent travailler un certain pourcentage, environ deux à trois jours par semaine. Ce sont plutôt des activités occupationnelles. Et selon leurs possibilités dans l’optique de dynamiser le travail éducatif qu’on fait déjà en résidence. Ces derniers jours, les collègues du centre de jours ont très peu de participants puisqu’il y a plein de gens qui restent dans leur résidence. La direction, ils nous envoient ces collègues en renfort. Mais c’est très désagréable pour les résidents qui sont des personnes avec des troubles psychiatriques, avec des diagnostics comme « borderline, bipolaire, schizophrène ». Les changements de cadre, d’ambiance, de visages, ce n’est pas forcément ce qui leur réussit le mieux. Par conséquent, ils sont assez perturbés et un peu tous les troubles de comportements ressortent. C’est pas super agréable à vivre pour eux surtout, mais aussi pour nous, ça se transmet ce genre d’ambiance. Néanmoins répartir le personnel, c’est une gestion assez rationnelle et logique que je comprends. Le problème n’est pas là.

Ce que je ne comprends pas, par contre, c’est qu’on nous impose certaines règles mais sans nous donner les moyens de les appliquer. Il y a le corona virus et on a juste des gants. C’est tout ce qu’on a, juste des gants en plastique qu’on utilise aussi pour faire des sandwichs ! Je ne sais pas si ce sont les gants les plus adaptés… On n’a pas de masques. On en avait zéro! J’ai réussi à m’en faire donner six ou sept par la médecin d’une résidente. Je pense qu’elle a eu pitié. Elle nous a posé la question gentiment. Elle, elle en a eu grâce aux HUG. Sinon ici, on n’a rien reçu ! En plus, on n’a pas de thermomètres car ceux que l’on a sont cassés ou peu fiables. Et tout est tellement lent pour avoir quoique ce soit, parce qu’il faut passer par la hiérarchie. Ça doit être validé par le chef du service, qui passe au chef du secteur, qui envoie à la direction générale. Et si c’est validé c’est renvoyé. Là ils font la commande. Ça prend des plombes. C’était déjà ainsi avant que ça éclate le coronavirus. Donc si on a des doutes on ne peut pas prendre la température. Par exemple, on a une résidente qui a plusieurs diagnostics posés, elle est un peu hypocondriaque. Elle joue un peu là-dessus. Mais je suis allé chercher un thermomètre dans un autre lieu. Alors que là-bas, il y avait une personne qui était potentiellement contaminée par le coronavirus. J’y suis allé avec le masque. J’ai pris un maximum de précaution… tout ça pour aller chercher un thermomètre. On lui a pris la température, elle avait 37,8, ensuite 37 puis 36,5. Elle se forçait un peu à tousser. Elle disait avoir mal. Dans le doute, on a décidé de l’isoler des autres et de la faire manger toute seule. On ne savait pas trop quoi faire.

On doit rester confinés. C’est difficile de respecter les distances car les appartements sont petits. Et puis cette règle-là, pas plus de cinq personnes, elle n’est pas respectée. On est souvent plus de cinq personnes à la cafétéria. Maintenir la distance, c’est pas forcément évident. Les collègues en général ne sont pas très contents. Nous, ici, on est dans cette situation de gestion de la misère. Et les autres, ceux qui ne peuvent pas travailler, n’ont pas leurs heures.

« Alors on devient fataliste, on se dit tant pis: je vais juste faire ce que je peux faire, le mieux possible, mon travail. C’est un peu la situation depuis une semaine. »

Pour l’instant on ne sait pas trop s’ils seront payés. C’est en train de se décider. Les décisions tombent au jour le jour. Aujourd’hui, les EPI ont décidé qu’ils allaient bloquer la comptabilité des heures de travail en l’état, comme c’était au 12 mars. Je n’ai pas très bien compris. S’ils remettent tout à zéro. S’ils ne comptabilisent plus rien. L’information arrive au compte-gouttes et c’est flou. On n’a pas de communication claire. On reçoit mille emails du conseil fédéral, du médecin cantonal, les articles de loi. Je sais que les syndicats ont vu la direction générale hier pour essayer de fluidifier l’information.

Il y a des collègues frontaliers. Il leur faut 3h30 pour arriver au boulot. Ces 3h30 pour arriver au boulot est-ce qu’elles seront comptabilisées ? Est-ce qu’elles seront perdues ? Est-ce qu’ils devront les rattraper ? Il y a plein de collègues qui ne sont pas rassurés. C’est un peu la crise. C’est super mal géré. La direction, ils sont en retard, en retard total. Il n’y a personne qui a le courage de prendre les bonnes décisions.

Il y a des ateliers de production qui sont encore ouverts ! L’idée, c’était que pour éviter de faire prendre les transports publics aux participants on transportait les ateliers de production dans les résidences puisque la majeure partie des participants à ces ateliers habitent dans des résidences. Les « externes » – ceux qui ne sont pas en résidence – ne viennent quasi plus. Depuis lundi, les ateliers de production ont été déplacés où sont les résidents. Donc on concentre encore plus les gens. Et ils continuent à faire des bougies, des petits tableaux, des choses en bois qu’ensuite les EPI vendent habituellement dans leur boutique. A mon avis, fermer les ateliers de production,c’était une des premières choses à faire. Ces collègues-là soit tu les envoies en renfort, soit tu les laisses à la maison.

Mais c’est surtout le manque de matériel qui craint! Toutes les deux heures, j’essaye de désinfecter les poignées de porte, j’aère quand je peux, je jette les sacs poubelles le plus vite possible. La partie éducative dans tout ça, je l’oublie. Je ne peux pas faire d’activités. Je ne fais pas mon boulot. Je fais du gardiennage. Ils sont levés, ils sont douchés, ils sont médiqués, tout va bien. En plus, on doit gérer les familles qui appellent. Elles veulent naturellement savoir ce qui se passe, ce qu’elles doivent faire, est-ce qu’il y a un droit de visite ou non, est-ce que c’est risqué ou non?

La direction, ils nous ont envoyé des email avec les directives du médecin cantonal. On a affiché plein de posters avec les trucs classiques : tousser dans les coudes, se laver les mains toutes les 2h ou utiliser du désinfectant. Ça, au moins, on en a des bouteilles de désinfectant! Mais les stocks vont bientôt finir et on ne sait pas quoi faire après. On est là pour s’occuper des résidents. On n’a pas le temps de se poser tranquillement et de réfléchir à chaque situation posément. Tout est fait dans la confusion. Une fois, la direction donne une information et le lendemain, ça a changé. Pour les visites comme pour les masques. Les masques, au départ on devait les mettre tout le temps, et puis non finalement, uniquement si on est contagieux; le masque est utilisable pendant 8h même si c’est humide, ah non si c’est humide, tu l’enlèves…

Alors on devient fataliste, on se dit tant pis: je vais juste faire ce que je peux faire, le mieux possible, mon travail. C’est un peu la situation depuis une semaine.

J’espère que les autres collègues vont revenir… On ne sait pas quand : il y a deux collègues qui avaient les symptômes du corona mais ils n’ont pas été dépistés, les dépistages sont réservés aux personnes à risque pourtant elles a ont tous les symptômes du corona. D’ailleurs tous les collègues malades sont un peu dans ce cas-là. Si ça se trouve, c’est juste la grippe. C’est aussi flou de ce côté-là. Ils ne testent pas aux EPI, comme ailleurs, ils n’ont pas les moyens.